Dans son dernier livre, Jean-François Lisée s’est donné la difficile tâche de mettre la droite K.-O. en 15 arguments. Pour vérifier si tel est le cas, voici une série de billets qui reprend chacun des arguments avancés par Lisée pour en vérifier la validité. Attention, car la gauche est sur le point d’encaisser une droite !
|
Affirmation #2 de Jean-François Lisée: la droite ment quand elle affirme que les québécois sont moins riches que les autres. Selon Lisée, le Québec n’est pas économiquement médiocre puisque le niveau de vie des Québécois est supérieur à celui de ses voisins.
Pour parvenir à cette conclusion, Jean-François Lisée présente des chiffres comparants les revenus des québécois à ceux des Ontariens et des Américains. Mais il y a un petit problème avec cette démonstration: elle est truffée d’erreurs méthodologiques et de cherry-picking.
Au niveau de la méthodologie, tous les chiffres présentés par Lisée reposent sur un facteur de conversion pour ajuster ses comparaisons en fonction du coût de la vie. Le problème ? Le facteur utilisé par Lisée provient de Statistique Canada. Que dit cet organisme à propos de ce facteur ?
L’Indice des prix à la consommation: Qualité des données, concepts et méthodologieCes estimations ne devraient pas être utilisées pour mesurer les différences du coût de la vie entre les villes. Ces indices servent à la comparaison de prix de certains produits sélectionnés seulement et ne sont pas développés pour faire une comparaison exhaustive de tous les produits et services achetés par les consommateurs. De plus, le concept utilisé pour les indices de prix du logement n’est pas propice aux comparaisons du coût de la vie entre les villes.
Puisque le raisonnement utilisé par Lisée repose sur une fondation qui a été construite sur un sol mou, il va de soi que toute la construction sera défaillante. D’ailleurs, Lisée a reconnu dans un billet que les chiffres qu’il utilise ne sont pas les bons, mais il refuse néanmoins d’apporter les corrections qui s’imposent parce que… ses intentions sont bonnes ! Ici la question n’est pas de savoir s’il faut ajuster les revenu en fonction du coût de la vie, cet ajustement est nécessaire. Il s’agit plutôt de savoir si les ajustements réalisés sont exacts.
C’est un peu comme si tout le monde s’accordait pour dire qu’il faut repeindre un mur. Jean-François Lisée arrive et décide de repeindre le mur avec une perceuse parce que c’est le seul outil dans son coffre. Ensuite, le même Jean-François Lisée dit que personne ne peut critiquer son travail parce que de toute manière le mur avait besoin d’être repeint. Ce n’est pas sérieux cette histoire. La validité d’une statistique ne se mesure pas aux intentions de celui qui manipule les chiffres.
Les calculs de comparaisons avec les États-Unis sont aussi discutables, c’est le festival du cherry-picking ! L’astuce trouvée par Jean-François Lisée pour prouver que les Québécois sont plus riches que les Américains consiste à enlever les meilleures données des deux variables qu’il compare. Le résultat, Lisée a décidé de ne pas tenir compte de l’existence des riches aux États-Unis ! Pourtant les 5% d’Américains les plus riches payent près de 60% des impôts totaux, au Québec c’est moins de 35%. Comme on peut le voir, aux États-Unis, les riches sont loin d’être une quantité négligeable. D’ailleurs en excluant les riches de ses calculs, Lisée essaye-t-il de nous convaincre que les Américains auraient été plus riches si Bill Gates où Steve Job n’avaient jamais vu le jour ?
Pour ceux qui se posent la question, selon l’Institut de la statistique du Québec, le revenu des Américains, ajusté en fonction du pouvoir d’achat, est de 39 094$ alors que celui des Québécois est de 28 148$.
Mais ce n’est pas tout, ensuite Jean-François Lisée a décidé de ne pas tenir compte du fait que les Américains travaillent plus que les Québécois. Un calcul très douteux… C’est comme si j’affirmais qu’une personne gagnant 20$/heure et qui travaille 10 heures par semaine est plus riche qu’une personne gagnant 10$/heure, mais qui travaille 40 heures par semaine…
Pour en savoir plus sur les nombreuses erreurs méthodologiques dans les calculs de Lisée, je vous invite à lire les billets que Martin Coiteux, économiste, professeur à HEC Montréal, a publiés sur son blogue à ce sujet:
- François Legault vs Jean-François Lisée: Qui dit vrai?
- Jean-François Lisée vs François Legault: Prise 2
- Écarts de richesse: Les dessous (et les travers) de la méthode Lisée-Fortin
- Les riches et l’impôt
- Les Québécois plus riches que les Ontariens? Une nouvelle manche de mon débat avec Jean-François Lisée
- Le coût de la vie plus élevé en Ontario qu’au Québec? De moins en moins vrai
- Malheureusement, 80% des familles québécoises sont encore plus pauvres que 80% des familles américaines
Mais il existe une meilleure mesure pour savoir où se trouve le meilleur niveau de vie, j’ai nommé le bilan migratoire ! Pour reprendre l’expression popularisée par Milton Friedman, le bilan migratoire ce sont les gens qui « votent avec leur pied » i.e. des gens qui acceptent de se déraciner de leur milieu, de quitter amis et famille, pour déménager dans un milieu qui leur offre un avenir meilleur. Après tout, je connais bien peu de gens qui quittent leur patelin pour aller vivre plus pauvrement ailleurs et si par malheur les attentes de la personne qui déménage ne sont pas satisfaites, elle a toujours la possibilité de revenir vivre parmi les siens.
Puisque Jean-François Lisée amorce son analyse en comparant le niveau de vie des Québécois et des Ontariens, analysons le bilan migratoire entre ces deux provinces:
Certes, les choses se sont améliorées avec le temps, mais comme on peut le voir, le Québec n’a jamais eu un bilan migratoire positif avec l’Ontario, en tout temps il y a toujours eu plus de Québécois qui sont allés vivre en Ontario que d’Ontariens qui sont venus vivre au Québec, et ce, même durant la dernière récession qui a durement touché notre voisin. Depuis 1971, 631 369 Ontariens sont venus vivre au Québec contre 1 001 093 Québécois qui sont allés vivre en Ontario, un bilan négatif de 369 724 personnes. Sur la base de ces chiffres, c’est l’Ontario qui semble offrir la meilleure qualité de vie.
Et ne me dites pas que la langue pourrait biaiser ces chiffres, la méconnaissance de l’anglais n’a jamais empêché les Mexicains d’immigrer aux États-Unis.
D’ailleurs, si les Québécois étaient plus riches que les Ontariens, ce sont les Québécois qui devraient payer de la péréquation alors que les Ontariens devraient en recevoir. Depuis 2005, le Québec a reçu 50,2 milliards de dollars en péréquation contre seulement 3,5 milliards pour l’Ontario.
Pourquoi se limiter à l’Ontario, allons voir la situation dans l’ensemble du Canada:
Qu’en est-il de la situation avec les États-Unis ?
Je n’ai pas été en mesure de trouver des chiffres sur la migration entre le Québec et les États-Unis. Par contre, ces statistiques sont disponibles pour le Canada. Selon une étude de Statistique Canada publiée il y a trois ans, entre 2000 et 2004, chaque année, 68 900 Canadiens sont allés vivre aux États-Unis. À l’opposé, seulement 6 110 Américains sont venus vivre au Canada…
Donc sachant que le Québec a un solde migratoire négatif avec le reste du Canada et sachant que le Canada a un solde migratoire négatif avec les États-Unis, on peut raisonnablement supposé que plus de Québécois décident d’aller vivre aux États-Unis qu’il y a d’Américains qui décident de venir vivre au Québec.
Quand les gens « votent avec leurs pieds » et force est de constater que le modèle québécois arrive très loin dans les intentions de vote.
À lire aussi:
Belle analyse! Ayant vécu aux États-Unis, en Europe, et maintenant en Colombie-Britanique, et ayant vécu la plus grande partie de ma vie au Québec, je serais d’accord pour dire que le niveau de vie, en général, au Québec, est plus bas qu’ailleurs en Amérique.
Tu fais une conférence à Montréal… les gens viennent si ça coûte pas trop cher, mais ils n’achètent presque rien.
Tu fais une conférence à Toronto, les gens se ruent pour acheter tes produits!
Ce qui change la discussion c’est le fait que le coût de la vie est moindre au Québec, surtout pour ce qui est du logement. Les québécois ne s’en rendent pas compte mais le logement ça coûte presque rien au Québec comparé à ailleurs.
Excellent billet. Tu te dépasses constamment!
Ayant un pied à terre dans le New Hampshire et en Floride, je confirme le québec est très pauvres. Quand je passe les douanes à Rock Island et que je roule sur les routes du québec j’ai l’impression de m’en aller vers un Goulag d’URSS. C’est le feeling que ça me donne. Les aéroports américains sont pas mieux aussi.
Nous serons très bientôt les PLUS PAUVRES du Canada!!!
Et Lisée, lui, continue son rêve en couleurs:
http://tvanouvelles.ca/lcn/economie/archives/2012/02/20120207-050202.html
Dutrizac (I know…) vient de faire une entrevue avec Martin Coiteux sur la richesse du Québec, j’ai seulement pu écouter le début mais ça avait l’air très solide aussi.
Je suggère que vous déménagiez aux États-Unis ou dans le Canada anglais.
David vaut un think tank à lui tout seul! J’ai hâte au prochain volet.
Beaucoup de gens ont déjà pris cette suggestion au sérieux et beaucoup vont continuer de le faire.
Blague à part c’est tout ce que vous trouvez à répondre quand vous voyez que le Québec a un solde migratoire négatif avec le reste du Canada et avec les USA? Tout ce qui vous vient à l’esprit c’est de suggéré de déménager?, vraiment? Vous ne voyez aucun problème à cela, vous comprendrez j’espère, pourquoi nous ne prenons jamais les gauchistes au sérieux.
@Pierre-Etienne: L’imbécile qui dis « Quittez le Québec d’abord », ce qu’il ne se rend pas compte, c’est que c’est souvent des nantis et des travaillant qui quittent, ceux qui normallement rajoutent de la richesse. Alors … c’est vraiment un réflexe épais de petit peuple.
Je n’ai jamais aimé jouer au « le gazon est plus vert ailleurs », mais dans les faits, quand on compare le Québec au reste de l’Amérique du Nord, le gazon, il est vraiment plus vert ailleurs.
Nos riches sont les plus pauvres et nos pauvres sont les plus riches.
@Ian Swanson: Quand on est sans arguments, on se tait.
Bravo David pour ton travail et tes recherches.
Que j’aimerais t’entendre débattre avec Lisée. Du bonbon!!!
David, ça ne se montrera pas dans tes tableaux, mais ajoutes +1 pour un Québécois expatrié en Suisse. -1 programmeur pour le Québec. J’ai abandonné, cette province n’a aucun avenir.
« Que j’aimerais t’entendre débattre avec Lisée. Du bonbon!!! » On est plusieurs à l’espérer mais le propriétaire de ce blog préfère se cacher derrière des propos violents plutôt que débattre calmement. A quand un TLMEP face à Lisée ou Amir. Avec ses stats à deux sous, le David, on se demande réellement qui il essaie de persuader. Même la droite américaine, à part quelques illuminé(e)s du Tea party déjà éliminés de la primaire républicaine, a du mal à être aussi jusque-boutiste. Mais bon, comme dit l’autre, il en faut pour tous les goûts…
On a vu Amir Khadir lancer ses godasse et Lisée posé avec des gants de boxe tout en promettant de mettre la droite K-O. Les propos violents ce sont eux qui les tiennent, pas moi.
Dans tous mes billets je donnes les sources des stats que j’utilise. Je te met au défi de trouver des erreurs dans mes graphiques.