Il est toujours déprimant d’être obligé de faire du fact checking avec un article publié dans un grand quotidien. On est en droit de s’attendre que des journalistes, qui se disent professionnelles, fassent un minimum de recherche pour vérifier si les faits présentés dans leur article tiennent la route. M’enfin, ce manque de rigueur me donne l’opportunité de démolir de fausses affirmations qui ont été répétées tellement souvent qu’elles ont fini par devenir des « vérités ».
Cette semaine, Patrick Lagacé a écrit un texte sur les « indignés » de Montréal, il les aime beaucoup. Qu’importe, dans cet article Lagacé cite un « expert » qui affirme que depuis 30 ans les revenus de la classe moyenne ont stagné.
Mais est-ce vrai ?
La classe moyenne est un concept plutôt abstrait, mais selon moi la classe moyenne correspond à la tranche de la population dont le revenu appartient au troisième quintile. Un quintile divise la population en cinq tranches de vingt pour cent. Le premier et le deuxième quintile représentent la tranche la plus pauvre, le quatrième et le cinquième quintile représentent la tranche la plus riche. Il reste donc le troisième quintile qui se situe entre les deux.
Voici donc l’évolution du revenu du troisième quintile depuis 30 ans.
Par rapport à 1979, les revenus ont effectivement stagné, un gain d’à peine 5,9%. Par contre, au début des années 80 et 90, nous avons connu deux sévères récessions (en gris sur les graphiques) qui ont fait décroître le revenu des Canadiens de manière importante. Si au lieu de prendre 1979 comme année de référence, on sélectionne 1997, on constate que le revenu s’est accru de manière significative: 22,4%. À noter que depuis 1997, nous avons vécu une période intense de mondialisation, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) a été signé en 1994.
Il n’est donc pas complètement faux de prétendre que le revenu de la classe moyenne a stagné depuis 30 ans, mais cette affirmation n’est pas tout entièrement vraie non plus puisque depuis dix ans, les gains ont été substantiels. Chose certaine, sur la base de ces chiffres, on ne peut pas conclure que la classe moyenne disparaît.
Ensuite, « l’expert » interrogé par Patrick Lagacé affirme que les baisses d’impôts aux entreprises consenties par Ottawa montrent l’échec du keynésianisme (!) puisque cela ne s’est pas traduit par la création d’emplois. Un « expert » qui dénonce le keynésianisme en définissant de manière erronée cette doctrine économique, de quoi en perdre son latin.
En 2000, quand Ottawa a commencé à réduire le taux d’imposition des corporations, le taux de chômage était de 6,8%. En 2008, avant le début de la récession, le taux de chômage au Canada a été abaissé à 6,1%, un record pour le Canada. Donc, des emplois ont forcément été créés.
On dénonce aussi la jobless recovery aux États-Unis, une situation qui, comme je l’ai expliqué, est attribuable au climat d’incertitude créé par les politiques socialistes de Barack Obama (ici & ici)
Pour terminer, Patrick Lagacé nous parle de Jeffrey Immelt, le président de General Electric qui dirige aussi le « Comité présidentiel sur les emplois et la compétitivité » de Barack Obama. Patrick Lagacé souligne, à juste titre, que General Electric n’a pas payé un sou d’impôt en 2010 malgré des profits de 5 milliards.
Mais, Patrick Lagacé minimise cette histoire, en affirmant que tous les présidents, même les républicains, ont eu un « Comité présidentiel sur les emplois et la compétitivité ». C’est totalement faux, ce comité a été créé le 31 janvier 2011.
Lagacé… lol
Il devrait remettre ses lunettes de Corey Hart et essayer de disparaitre un moment
Reste que, un gain de 5% sur 30 ans, ce n’est pas fort. Comme montre le tableau, c’est vite perdu avec une crise économique.
Ce n’est pas grotesque de dire que c’est une stagnation.
Mais bon, le premier quintile a eu un gain de 30%, c’est plus, mais pas scandaleux. Et même le cinquième a connu un gain de 20%!
Alors, la situation relative de la classe moyenne n’a pas vraiment changé.
En 2000, quand Ottawa a commencé à réduire le taux d’imposition des corporations, le taux de chômage était de 6,8%. En 2008, avant le début de la récession, le taux de chômage au Canada a été abaissé à 6,1%, un record pour le Canada. Donc, des emplois ont forcément été créés.
Post hoc, propter hoc? On peut faire un lien plus fort avec le prix du barril.
J’ai lu la chronique d’humeur de Lagacé. Hein? Les indignés portent des masques comme dans le film V comme Vendetta?? À moins que mon souvenir soit tout croche, c’est un film qui dénonce exactement ce qu’ils proposent (quand ils ont un flash de lucidité), soit un état totalitaire, omniprésent et omnipotent. Ils sont mêlés pas à peu près!
Je crois que les indignés devraient écouter, à part les films de Michael Moore, les bons vieux Robocop. Vous vous rappelez l’OCP?
hheuuuu
Si on prend le salaire de 1997 (39 800$) et on applique l’inflation entre 1997 et 2009, c’est 50 386$ (disons 50 000$), donc la classe moyenne a perdu 1 300$.
Pour la classe juste inférieure (deuxième) en 1997 la moyenne était 28 100$ et en 2009, 33 800$, si on applique l’inflation entre 1997 et 2009, alors on devrait avoir un salaire de 42 790 $ (Disons 42 500$), une différence de 8 700$ !
C’est pas une grosse différence, mais de la a dire que tout va bien…
Source: http://www.banqueducanada.ca/taux/renseignements-complementaires/feuille-de-calcul-de-linflation/
Je me suis demandé s’il parlait du Québec au lieu du Canada… Le résultat est pas mal similaire : http://i.imgur.com/YaCAz.png
(À part qu’on est sous la moyenne. Ce qui n’est pas surprenant (et ce revenu compte les transferts gouvernementaux! (Qui ont augmentés avec les années…)))
Quel logiciel utilises-tu pour faire tes graphiques?
J’imagine que c’est pour cette raison que j’ai écrit dans le billet:
Il n’est donc pas complètement faux de prétendre que le revenu de la classe moyenne a stagné depuis 30 ans, mais cette affirmation n’est pas tout entièrement vraie non plus puisque depuis dix ans, les gains ont été substantiels. Chose certaine, sur la base de ces chiffres, on ne peut pas conclure que la classe moyenne disparaît.
Joe dit qu’il n’y a pas eu de création d’emploi, c’est faux, peu importe la raison.
J’ai pas du l’écrire assez gros…
Voici l’opinion d’un économiste et prof aux HEC (un VRAI…pas du genre Lauzon!) qui abonde dans le même sens que vous:
http://martincoiteux.blogspot.com/2011/10/on-ne-peut-occuper-montreal-comme-on.html
Lagacé a déjà dit, à chaud que la culture Haïtienne était plus paresseuse. Après avoir été blasté par une artiste haïtienne à TLMEP il a finalement cédé pour plaider la fatigue dans un billet sur son blogue.
Je n’ai rien contre les gens qui changent d’idée mais dans ce cas çi il a flanché. Pourquoi dépêcher des correspondants à l’étranger pour nous livrer leurs impressions à chaud pour ensuite reprendre le dogme antiraciste à froid. Depuis ce temps, Lagacé n’est plus jamais sorti de la ligne de la pensée unique.
Excel 2010
Je me suis amusé et j’ai refait le graphique, mais pour tout les quintilles à la fois…
http://i.imgur.com/Cj8ol.png
Ça bouge beaucoup chez le quintille supérieur, alors que les 4 autres se suivent. Et si l’écart changeait peu de 1976 à 1996, après, les revenus du 5e quintille ont « explosé ».
Je me demande, pourquoi si peu de changement avant, et autant après?
Dommage qu’il n’y aille pas de données plus ancienne.
Et merci pour la réponse!
Très intéressant.
Je remarque qu’a partir de 97 tout le monde augmente (je vais revenir la dessus dans un billet la semaine prochaine).
Mais pour répondre à ta question, une étude très intéressante:
The Increase in Income Cyclicality of High-Income Households and its Relation to the Rise in Top Income Shares