La semaine dernière, Paul Krugman, éditorialiste pour le New York Times, a accusé les médias de droite (Fox News, Rush Limbaugh) d’être responsables de l’assassinat de George Tiller et de la fusillade au musée de l’holocauste.
Avec cette cinglante réponse, Glenn Beck pourra ajouter à son CV qu’il a déjà humilié un prix Nobel:
James W. von Brunn, le psychopathe responsable de la fusillade au musée de l’holocauste ne détestait pas uniquement les juifs. Il avait aussi comme projet d’assassiner des néoconservateurs. Richard Hétu a déjà dit des 4 néoconservateurs juifs entourant Rudy Giuliani qu’ils étaient des « chevaliers de l’Apocalypse« . D’un point de vue rhétorique, si l’on applique la logique des gauchistes, Richard Hétu serait coupable d’avoir incité James W. von Brunn à passer à l’action.
Notez aussi qu’au 98.5, Paul Houde et Normand Lester ont accusé la radio et la télévision de droite (Fox News, Rush Limbaugh) d’avoir incité à la haine. Ils affirment donc que les médias de droites sont responsables du geste de James W. von Brunn. Pourtant, Fox News et Rush Limbaugh ont toujours été des supporters d’Israël; il est carrément stupide d’affirmer que leurs propos ont fait la promotion de l’antisémitisme. D’autant plus stupide que James W. von Brunn avait comme projet d’assassiner des journalistes de Fox News.
Paul Houde et Normand Lester ont régulièrement critiqué de manières assez acerbes Fox News sur les ondes du 98,5. D’un point de vue rhétorique, si l’on applique la logique des gauchistes, ils seraient coupables d’avoir incité James W. von Brunn à abattre des journalistes de Fox News.
L’incitation à la haine a le dos large. Les gens intelligents n’ont-ils pas une conscience pour faire la part des choses?
Lester incite à la haine et ment. L’autre jour, il disait que tout le monde pouvait s’acheter un gun et même un char d’assaut aux USA (ce qui est faux).
Seuls le Vermont et l’Alaska ont presque pas de restrictions pour acheter un gun (pas de dossier criminel et majeur). Bien des États et des villes ont des restrictions aussi PIRES qu’au Canada.
Le IIe Amendement n’est plus respecté depuis belle lurette. Il sert juste maintenant à éviter que les guns soient bannit comme récemment à DC.
PS. Lester a déja dit que Bush était au pouvoir depuis plus d’un an lors du 9-11 ce qui est totalement faux (Bush a pris le pouvoir fin janvier 2001 à la dernière minute donc il n’a pas eu le temps de se préparer aux attaques)
Moumoute Lester est un être méprisable souffrant d’une anglophobie et d’un antiaméricanisme maladif.
Ce qu’il dit me laisse d’une indifférence des plus totales
Je vais me faire l’avocat du Diable: Lester n’est pas si pire que cela.
C’est un nationaliste franco-québécois aussi, un intégriste de la langue et quelqu’un qui, en bon nationaliste, sous-estime ou déteste presque tout ce qui n’est pas de sa Nation ainsi que les descendants de ceux qui n’ont pas été gentils avec sa Nation il y a longtemps (ex.: Iroquois et Anglais).
C’est quelqu’un qui s’emporte, et qui en met pas mal aussi parfois. (Le cas rapporté par David aujourd’hui doit en être un bon exemple. Je ne pourrai l’écouter que plus tard.)
Cependant, il est plutôt « centriste » sur bien des sujets.
Il sait condamner l’immobilisme social-démocrate/socialiste:
Il a déjà dit du Parti Québécois que c’est un parti réactionnaire qui n’a pour but que de protéger les privilèges des fonctionnaires et des éléments les plus parasitaires* du système (lire: syndicats).
Il croit aussi que le PQ et le BQ ont perdu beaucoup de gens compétents, entreprenants et dynamiques pour l’ADQ en devenant des partis davantage intéressés à gagner la prochaine élection (par le pouvoir) plutôt que d’être eux-mêmes dynamiques et réformateurs.
(Ça, il ne l’a reconnu qu’au départ de Mario Dumont cependant…)
Il sait aussi condamner l’extrémisme marxiste et les dérives autoritaires. Il s’est moqué plusieurs fois d’Hugo Chavez en ondes et de Mahmoud Ahmadinejad.
Juste être capable de reconnaître que tout n’est pas parfait à « gauche », c’est très bien.
C’est même très rare dans ce Québec hyper-polarisé autour des termes droite-gauche, nationaliste canadien ou québécois. On a trop souvent affaire à des gens qui vont défendre l’indéfendable pour pas que le terme « gauche » ou « droite » soit sali.
Et pourtant, rien n’est totalement mal, ni totalement parfait.
Mais, pour en revenir à Lester, est-il capable de reconnaître qu’il y a des extrémistes chez les nationalistes franco-québécois (lui inclut) ?
Ça, c’est un autre débat…
Comme on dit chez les jeunes:
Il l’a tellement DISSSSS.
Glenn Beck est une machine à dissage. Vraiment trop fort.
J’aimerais vraiment avoir Fox News chez moi pour pouvoir regarder son émission
Diantre!Où est louisp pendant que David critique un de ses économistes chouchou?
J’aimerais bien entendre la version des principaux accusés à ce sujet : Scott Roeder et James W. von Brunn.
Selon eux, ont-ils été influencés par des personnalités médiatiques ? Si oui, lesquelles ? De quelle façon ? Jusqu’à quel point ? Etc.
C’est en ayant leur version à eux qu’on aurait le cœur net sur cette affaire.
Même s’ils disaient que c’était le cas, est-ce que ça justifierait de mettre la faute sur ces personnalités médiatiques? Pas du tout, parce que la plupart des gens qui les écoutent ne vont pas jusqu’à commettre des horreurs semblables. Il y a donc chose qui est particulier à ceux qui commettent des crimes aussi sordides. C’est déjà en eux.
Ça me fait penser aux idiots qui voulaient lyncher Marilyn Manson pour la tuerie de Columbine sans regarder qui étaient les auteurs de cette tragédie.
Quand l’Histoire se répète!
@ Stanissia.
On se doute fortement qu’il y a des variables biopsychosociales expliquant que ces gens aient commis ces crimes et leur appartenant en propre. En dehors de l’impact des médias.
Je serais tout de même intéressée de savoir si d’après eux, les médias ont eu une influence sur leur comportement et si oui, de quelle façon.
Il faut écouter le montage de Bill O’Reilly qui répète plus de 10 fois en onde « Tiller the baby killer ». C’est la même chose qu’on fait les médias au Rwanda, inciter à la violence en lancant de fausses accusations. Que désirait O’Reilly en l’accusant à répétition d’être un assassin de pauvres petits enfants innocents ?
Tiller était un docteur aidant des femmes qui étaient pour mourir en continuant leur grossesse. Il existe des situations où la santé de la mère est en jeux. En aucun cas une femme décide après 6 mois de grossesse qu’elle ne veut plus un bébé. Mais à cause des ayatollahs pro « vie » assassin, la santé des femmes va être menacé.
Que faisait Bill O’Reilly ? Il utilisait sa liberté d’expression pour dénoncer quelques chose avec lequel il n’était pas d’accord.
Quand on critique un politicien, est-ce qu’on se rend coupable d’inciter des gens à la tuer?
Si O’Reilly est coupable d’avoir inciter au meurtre de Tiller, Krugman est lui aussi coupable d’avoir incité à l’assasinat d’un recruteur de l’armée américaine.
En Europe, Tiller aurait été jeté en prison parce que les avortement tardifs sont interdits dans bon nombre de pays.
En Grande-Bretagne la limite se trouve à 24 semaines de grossesse.
Il est de 18 semaines en Suède, 13 en Italie, 12 en Allemagne et en France.
C’est étrange, on accuse pas ces pays d’être gouverné par des ayatollahs pro “vie”. Pourtant leurs lois sont plus restrictives que celles aux USA.
Faible argumentation John Paul Jones…
Seulement un faible pourcentage (environ 10-12%) des avortements tardifs étaient pour cause de maladie de l’enfant ou de danger pour la mère. Le reste c’était purement « esthétique ». Et avorter un foetus à 30 ou 32 semaines pour moi… c’est le meurtre d’un bébé car le foetus peut être viable.
Procule. Va lire ce témoignage :
http://www.cyberpresse.ca/opinions/forums/la-presse/200906/04/01-862886-le-dr-tiller-a-sacrifie-sa-vie.php
Cette dame et son conjoint sont-ils pour toi des meurtriers au même titre que Scott Roeder?
P.S. : si tu as les statistiques de la clinique du Dr. Tiller, j’aimerais bien les voir.
@JPJ
C’est tendencieux de dire qu’en Europe Tiller aurait été jeté en prison. Vous tentez de criminaliser un geste qui ne l’est pas. Et criminaliser une personne, qui ne l’est pas non plus.
Si Tiller avait habiter un pays ou cette pratique était interdite, il ne l’aurait probablement pas pratiquer.
En Europe l’avortement tardif est un geste criminel.
Le but étant de dénoncer les gens qui parlent des « ayatollahs pro vie » aux USA.
Les lois sur l’avortement sont plus restrictive dans la très libéral Europe que dans le très sudiste Kansas.
Dans ton texte on peut lire ( d’une femme ayant subit un avortement tardif de Tiller parce que son bébé avait des problèmes génétiques):
« J’affirme ouvertement que je ne suis pas «faite» pour être «aidante naturelle». »
Alors cette femme n’est pas faite pour être une mère. Dans son cas la contraception serait la solution la plus raisonnable.
@ J.Voyelle en réponse au commentaire #15
Tu fais deux catégories d’êtres humains…
Quelle différence entre Scott Roeder et ces parents ? Pourquoi pas la question suivante : Quelle différence entre ces parents et Robert Latimer (homme pour lequel j’ai la plus grande des compassions) ? Ou encore : Quelle différence entre George Tiller et Scott Roeder ?
La différence entre ces deux derniers est d’environ 4 pouces ! Tiller faisait naître partiellement des enfants en retirant de la mère tout leur corps sauf la tête; le 4 pouces qui restaient à l’intérieur est ce qui lui permettait de tuer un enfant viable en toute impunité. La mort de Tiller est une tragédie, la mort des milliers d’enfants viables, et qui plus est en santé, qu’il a tués de ses mains en est une plus grande encore. Il faut vraiment être aveuglé pour croire que 4 pouces à l’intérieur de sa mère sont un terrain qui justifie le meurtre.
Concernant l’échelle des valeurs (le bien ayant préséance sur la vie) que Sylvain nous a suggérée dans l’autre débat sur l’avortement et qui semblait te plaire… Je rejette cet argument, il est très dangereux. En effet, au nom du « bien » il y a beaucoup de gens que l’on pourrait éliminer. La vie a préséance sur le bien, car la vie est plus grande que le simple bienêtre.
Je peux imaginer à quel point il peut être difficile pour des parents d’avoir un enfant handicapé et je ne veux pas banaliser cette épreuve. Mais la standardisation du dépistage de la trisomie 21 (ou du syndrome de Down) est une monstrueuse discrimination à l’endroit des personnes handicapées et déficientes. Nous devrions protéger ces personnes faibles et non pas les tuer. L’État vient de faire deux catégories d’êtres humains : ceux qui méritent de vivre et ceux qui ne le méritent pas. Nous sommes réellement en pleine culture de la mort, une culture qui veut tout uniformiser et qui refuse systématiquement de devoir faire face à la souffrance. La vie comporte bien des souffrances, mais éliminer la vie pour tuer des souffrances est un bien grand mal.
Hmmm, très bien dis, R.B.
Tuer des animaux c’est un acte horrible, mais tuer des bébés sans retenue, pas de problème! C’est le monde à l’envers.
Aujourd’hui, Lester a dit que l’aviation américaine visait intentionnellement des civils afghans. Encore des mensonges haineux…
R.b: d’accord avec vous.
Martin: vous êtes surpris de cet individu ? antijuif, antiaméricain…
@ Bathya, le plus triste c’est que Lester est à moitié juif (côté paternel).
Il a été brainwashé fort probablement via sa mère catholique, Lionel Groulx et les cathos fascistes anti-sémites anglophobes.
Ce serait bien qu’un jour le Doc Mailloux fasse une psychanalyse de Lester LOL
JPJ, sur des questions aussi délicates, j’essaie de ne pas juger les gens. C’est un jugement très dur que de décréter que cette femme n’est pas faite pour être mère. Et notons que le conjoint aussi fait partie de la situation…
R.B., je ne fais pas deux catégories d’êtres humains. J’essaie seulement de ne pas juger de la situation et d’être empathique aux parents. J’essaie de me mettre à leur place, d’imaginer combien il a dû être difficile de prendre la décision d’avorter.
Effectivement, cet argument de Sylvain me plaît beaucoup. Je le garde en mémoire et j’y réfléchis souvent.
Je crois qu’il est des souffrances pour lesquelles nous sommes mal placés pour juger et condamner. Juger les gens sur des questions aussi intimes et délicates sans savoir les motifs fondamentaux quant à leurs motivations à agir comme ceci ou cela, pour moi, c’est aussi un bien grand mal.
Je sais qu’il est bien facile de parler de l’avortement en théorie, mais lorsqu’on a à faire face à cette épreuve on se trouve forcément devant un choix déchirant (quoique j’ai bien quelques amies qui se sont faites avortées sans même hésiter une seconde…)
J’ai bien dit que je n’essaie pas de minimiser l’épreuve que traversent des parents qui apprennent que leur enfant sera malade ou déficient intellectuellement. Je sais qu’à tes yeux J.Voyelle ma position te paraît dure, fermée, intransigeante et insensible face à ceux qui avortent. Mais je te demande de faire un simple exercice. Considère, avec moi, que le foetus est un être humain, au même titre que toi et moi, au même titre que les handicapés mentaux. Peux-tu trouver maintenant une seule raison justifiable pour le tuer ? Moi non plus ! Il n’y a aucune raison pour tuer un être humain malade ou en santé ! (la guerre, la peine de mort et la légitime défense sont un autre débat)
Avoir un enfant malade c’est tragique et certains ne peuvent pas imaginer qu’ils vont y arriver. Je comprends le choix qu’ils font et je comprends « les motifs fondamentaux quant à leurs motivations ». Je n’ai aucune difficulté à comprendre pourquoi ce choix leur parait meilleur pour tout le monde (eux, l’enfant, le reste de la famille et la société).
Mon argument est que ce choix (l’avortement) repose exclusivement sur une distinction qui est faite entre le foetus et un être humain (encore plus entre un foetus malade et un être humain). Je refuse la validité de cette distinction, car je crois qu’elle n’a aucun fondement. La différence entre nos positions c’est que tu acceptes (au mois en partie) cette distinction, tandis que moi je la refuse radicalement et entièrement. De là nos approches et attitudes différentes dans le débat.
C’est ici qu’est l’enjeu: si le foetus n’est pas un être humain, je suis un homme insensible d’imposer des souffrances inutiles à ses parents en plus de les juger et de les condamner de ce qu’ils cherchent à terminer la grossesse avant que le problème ne devienne réel. Si le foetus est un être humain, tu es une femme froide et insensible en acceptant qu’il soit mis à mort pour les motifs invoqués.
Je crois que pour être honnêtes, nous ne pouvons pas nous accuser mutuellement d’être hypocrites ni même méchants, car tu crois sincèrement faire du bien en permettant l’avortement (en acceptant la distinction foetus/humain) et je crois sincèrement faire du bien en l’empêchant (en rejetant la distinction foetus/humain). Et nous croyons tous les deux que l’autre est sincèrement dans l’erreur.
Par contre, si tu veux donner un fondement solide à ton argumentation, tu devrais démontrer que la distinction que tu fais est valide plutôt que de la prendre pour acquis et argumenter avec ceux qui rejettent cette distinction. Tant que cette distinction ne sera pas validée à mes yeux, il n’y aura aucune raison valable pour que je puisse accepter qu’on tue des êtres humains innocents. Je m’y opposerai donc, quitte à me faire traiter de borné étroit d’esprit qui juge et condamne. Tu ferais pareil si tu croyais qu’un foetus est un être humain à part entière. Accepte au moins que je suis honnête et conséquent avec ma position.
Et ensuite tu ajoutes :
R.B., si tu me dis comprendre, je te crois.
Pour ma part, je ne peux pas, comme toi tu sembles être capable de le faire, être authentiquement empathique avec quelqu’un ayant un comportement pour lequel je « refuse la validité ».
Je crois que c’est là que nous fonctionnons différemment. En ce sens, si tu confirmes éprouver une réelle empathie pour un comportement que tu estimes sans aucun fondement, ton fonctionnement est alors un peu énigmatique pour moi.
Pour que je puisse éprouver de l’empathie (ou de la compréhension), le comportement doit pour moi avoir une validité fondée. Et dans le cas de l’avortement, j’estime qu’il ne m’appartient pas entièrement de déterminer les paramètres de validité. Je prends pour acquis que la personne qui a choisi l’avortement estime son comportement valide et je ne remets pas cette validité en question. Sans quoi, je ne peux pas être empathique…
Malgré cela, je te l’ai déjà dit, dans la mesure où l’on a facilement accès aux moyens de contraception, l’avortement ne devrait être pratiqué que dans des circonstances plutôt exceptionnelles.
Je les comprends parce que je sais qu’ils acceptent la distinction foetus/être humain comme valide; je ne pense pas que leur décision est motivée par la méchanceté. Je crois cependant qu’ils sont dans l’erreur. J’ai beaucoup moins de compassion, sinon aucune compassion, pour les avorteurs, en particulier pour ceux qui pratiquent des avortements tardifs.
J’ai aussi beaucoup d’empathie pour un homme comme Robert Latimer et d’autres extrêmement pire que je côtoie dans le milieux carcéral, mais je ne considère pas comme valide leur mobile d’action; de sorte que je peux accueillir ces personnes tout en condamnant leurs actions. Il y a une distinction essentielle que j’ai dû apprendre à faire dans mon ministère auprès des détenus: distinguer entre le pécheur et le péché; aimer le pécheur, mais haïr le péché; comprendre le pécheur tout en cherchant à lui faire comprendre son péché. L’amour ne ferme pas les yeux (il n’est pas aveugle). Si j’aime vraiment mes enfants je saurai les reprendre et les corriger tout en les accueillant inconditionnellement.
Voici la définition divine de l’amour:
« L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. (1 Corinthiens 13.4-7) »
Dans ma conduite avec les autres j’essaie de maintenir chaque élément de cette définition.
J’ai quelques jours de retard mais je rajoute mon grain de sel.
Tout d’abord, je mentionne que Tiller est un criminel à mes yeux, et que sa mort m’apparaît aussi tragique que celle d’un tueur en série. Notre autre débat portait sur la criminalisation des avortements avant la viabilité; personne n’avait même tenté de justifier les avortements tardifs. Sauf dans les cas où l’avortement est nécessaire pour sauver la vie de la mère, il n’y a aucune excuse pour mettre à mort un être humain innocent qui pourrait parfaitement survivre sans le support biologique de sa mère. Si un avortement régulier pourrait se résumer en disant « Je fais sortir ce fœtus de mon ventre, il va donc mourir car il lui est absolument nécessaire d’être dans mon ventre pour survivre », un avortement tardif se résume en disant « Je fais sortir ce fœtus de mon ventre, puis nous allons tuer cet enfant viable car je ne veux pas qu’il vive ».
Il y a quelques années, il y avait une histoire d’un père qui, ayant apprit que son voisin violait son petit garçon depuis plusieurs années, est allé tuer le voisin en question à coups de bâton de baseball. Je comprends parfaitement l’attitude du père; j’aurais possiblement fait la même chose à sa place. Il m’est très facile et naturel de ressentir de l’empathie pour lui et pour son fils, et d’avoir d’autant moins de sympathie pour la victime du meurtre. Cependant, je ne vois pas quel mal il y a à condamner ce meurtre. Au contraire, s’abstenir de juger le bien-fondé de ce meurtre aurait pour effet de relativiser le meurtre en laissant entendre que chacun est son propre juge lorsqu’il s’agit de trancher des questions de justice et de vie ou de mort, ce qui est tout l’opposé de la justice civilisée. Cette réticence à juger m’apparaît plus comme une timidité morale que comme une ouverture d’esprit.
La seule différence entre mon exemple et celui des avortements est que la question est moins « intime et délicate » comme tu le dis. Néanmoins, si je m’abstiens comme toi de juger explicitement les individus qui choisissent l’avortement régulier (j’estime que tout avortement est condamnable, mais je m’abstiens de juger les cas particuliers parce que je ne connais pas les détails de leur vie), les avortements tardifs m’apparaissent comme franchement immoraux: Autant que n’importe quel meurtre d’une victime innocente. Après 25 semaines, si on sort simplement le fœtus du ventre de la mère pour l’abandonner sur le portique d’un orphelinat, les chances sont très bonnes pour qu’il devienne un adulte bénéficiant de tous les droits de l’Homme au même titre que nous. Ayant cela à l’esprit, je ne conçois pas de distinction essentielle entre un meurtre et un avortement tardif.
Tout d’abord, je précise que le Bien n’est pas le bien-être, loin de là. Cette équation serait celle de l’épicurisme, alors que j’avais fondé cette affirmation en disant que mes principes sont plutôt platoniciens. Le Bien, c’est ce qu’on estime être beau existentiellement, ce qu’on estime le plus digne d’exister, le plus exalté, le plus divin, etc. Ainsi, la préservation de la vie est le Bien absolu si on estime que la vie est une beauté existentielle sans pareil. Pour moi, des valeurs autres telles que l’ordre et la justice sont tout-à-fait comparables à la vie. Ainsi, on peut sacrifier la vie si c’est nécessaire pour préserver l’ordre et la justice. Et malgré que tu te présentes comme un inconditionnel de la vie, tu es un partisan de la peine de mort et de la guerre juste: Tu es donc tout aussi prêt que moi à sacrifier la vie pour un plus grand Bien. Seulement, tu n’es pas d’accord que l’avortement puisse constituer un tel Bien. Ton argumentaire serait plus persuasif si tu étais un végétarien pacifiste opposé à la peine de mort. Tu affirmes à répétition que nous n’avons pas le droit de juger de la valeur de la vie mais en même temps tu écartes les questions de la peine de mort et de la guerre juste en disant que c’est un « autre débat »: ce n’est pas cohérent. Je suis bien d’accord que ces questions sont un autre débat, mais le simple fait qu’il puisse y avoir d’autres débats sur la valeur « inhérente » de la vie démontre que le droit à la vie n’est pas inaliénable.
Encore une fois, c’est que tu présumes que ton échelle de valeur est divine alors que la nôtre serait humaine… À partir de ce point, il y aura forcément des failles intellectuelles car tu n’es pas moins humain que nous, et l’échelle de valeur en laquelle tu choisis de croire n’est pas plus objectivement divine que la nôtre. Si tu veux promouvoir ton échelle de valeur, te devrais plutôt te restreindre à démontrer que le fœtus est un être humain également digne que les enfants nés; l’argument selon lequel le droit à la vie serait absolu n’est tout simplement pas tenable.
Je ne prétends pas être empathique par ouverture d’esprit. Ce serait à mon sens complètement futile comme argument. Je suis empathique parce que cela m’est naturel de l’être. Il n’y a rien de réfléchi là-dedans. Maintenant, j’entends que cela ne suffit pas et qu’il me faut en plus poser un jugement moral. Peut-être. Cependant, ma raison ne m’autorise pas à poser un tel jugement. Ma raison ne m’autorise pas à comparer le Dr. Tiller à un meurtrier en série. Ce n’est pas une question de timidité morale. C’est une question de principe. Le principe étant que je préfère qu’une femme qui a décidé de se faire avorter de toute façon, se fasse avorter par un médecin, dans des conditions médicales salubres, que par un incompétent, dans des conditions insalubres.
Est-ce réellement un tort que de penser de cette façon ?
Et je suis d’accord avec toi. Idéalement, pour un fœtus viable, l’avortement tardif ne devrait être pratiqué que si la vie de la mère est en danger.
Je n’avais pas osé soulever cette contradiction chez R.B. pour ne pas étirer le débat. Mais cela m’avait aussi sauté aux yeux.
R.B. écrit ceci tout en étant en faveur de la peine de mort : « Il y a une distinction essentielle que j’ai dû apprendre à faire dans mon ministère auprès des détenus : distinguer entre le pécheur et le péché ; aimer le pécheur, mais haïr le péché; comprendre le pécheur tout en cherchant à lui faire comprendre son péché. » (# 27)
À moins que je comprenne mal, c’est un peu comme si R.B. disait : « Pécheur, je t’aime inconditionnellement, voilà pourquoi j’estime qu’il faille te liquider. » Ce raisonnement est très obscur pour moi.
R.B., c’est par amour du pécheur que tu es en faveur de la peine de mort ?
Oups, je suis désolé. J’avais mal interprété le fondement de ton empathie.
Un avortement tardif n’est pas seulement un avortement: Un avortement est une interruption provoquée de la grossesse. Une fois que la grossesse est interrompue par un avortement tardif, il reste un problème: On a un enfant viable dans les bras. Que fait-on de ce fœtus? Est-ce qu’on le confie à un orphelinat parce que la mère ne veut/peut pas s’en occuper? Non, on lui tranche la gorge ou on lui brise le crâne (je suis sérieux, c’est ainsi qu’il faut traiter les fœtus lors des avortements tardifs).
Si une femme veut absolument ne plus être enceinte ou qu’elle ne veut absolument pas s’occuper d’un enfant, elle peut se faire avorter avant la viabilité ou elle peut donner son enfant en adoption. Un avortement tardif représente la volonté maintenue de détruire une vie innocente qui pourrait se poursuivre si le médecin ne la mutilait pas durant l’avortement. Vraiment, entre cela et noyer son bébé dans le bain une semaine après la naissance, quelle distinction t’apparaît comme assez essentielle pour que tes principes te prohibent de condamner les avortements tardifs?
Non. Les médecins ne sont pas tenus d’adopter les coutumes barbares que tu décris. Ils peuvent avoir recours à la mort provoquée du fœtus in utero.
Et les grands prématurés ne peuvent pas être simplement déposés à la porte d’un orphelinat. À moins que l’orphelinat ne puisse offrir des soins de néonatologie adéquats… Une maman substitut qui pourra s’occuper à temps plein d’un bébé à la fois, le temps que le bébé se développe, par exemple. Peut-être que pour certaines femmes (ou couples) si elles avaient l’assurance que leur bébé serait soigné par une maman substitut compétente, une maman Kangourou qui porterait l’enfant peau sur peau à temps plein par exemple (dans le cas d’un grand prématuré), qu’il ne manquerait jamais de soin et qu’il aurait tout ce dont il aurait besoin pour assurer son bon développement, peut-être qu’elles opteraient pour l’adoption plutôt que l’avortement tardif.
Je n’en ai aucune idée.
En attendant, je considère qu’il ne m’appartient pas de poser un jugement moral sur la décision des femmes ou des couples qui décident d’avoir recours à l’avortement tardif. Je considère que l’expérience doit déjà être suffisamment douloureuse sans que je me mêle d’y ajouter le poids de mon jugement moral.
Ok, on peut tuer le fœtus à l’intérieur ou à l’extérieur de l’utérus. Je disais « il faut » au sens qu’il est nécessaire de provoquer la mort de façon chirurgicale: Qu’elle ne se produit pas doucement en résultat de l’avortement provoqué… Mais mon point n’était pas là.
La question que j’ai posée deux fois sans avoir de réponse – je vais donc cesser d’insister après ce message – est à savoir où est la différence essentielle entre un infanticide et un avortement tardif. La différence entre un avortement régulier et un infanticide est que le fœtus a absolument besoin de sa mère pour survivre; il est biologiquement impossible pour la mère de se séparer de son enfant sans causer sa mort. Avec les avortements tardifs, ce n’est pas le cas: La mère pourrait se séparer de son enfant sans causer sa mort, mais elle choisit de le faire mourir. N’est-ce pas un infanticide? Quelle différence entre causer la mort d’un enfant viable deux mois avant sa naissance et deux mois après sa naissance?
Cette logique s’applique tout à fait à des enfants nés. Disons que je viens d’avoir un enfant mais que ma femme en meurt, je fais ensuite une dépression nerveuse et je perds mon emploi. Je conclus que mon enfant n’aura pas une bonne vie car il n’y a pas de parents substituts disponibles, je décide donc de le tuer pour lui épargner la vie de misère qui l’attend. Si je fais cela, tu ne me jugeras pas?
Si oui, je ne comprends absolument pas quelle différence il y a entre ce cas et celui d’un avortement tardif. Si non, c’est-à-dire si tu te sens capable de tolérer des infanticides puisque tu supposes une bonne volonté derrière cette décision difficile, notre désaccord devient plus clair…
Si des parents décident de noyer leur bébé dans le bain, je ne me gênerai pas pour ajouter mon jugement moral à la douleur qu’ils peuvent déjà ressentir.
Je t’ai donné une réponse à cela. Elle ne semble pas te satisfaire et je suis désolée que l’on n’arrive pas à s’entendre sur ce point. Mais pour le moment, la seule réponse que je peux te donner, c’est la suivante ( je vais me permettre de la répéter) : je considère qu’il ne m’appartient pas de poser un jugement moral sur la décision des femmes ou des couples qui décident d’avoir recours à l’avortement tardif.
Je t’ai aussi dit qu’idéalement, pour un fœtus viable, l’avortement tardif ne devrait être pratiqué que si la vie de la mère est en danger. Et je le pense sincèrement.
Bien entendu que cette logique s’applique à des enfants nés ! C’est à eux que je faisais référence, justement.
Mais si c’est ton enfant, c’est donc que tu en es le parent ! Pourquoi faudrait-il un parent substitut, si c’est toi qui en est le père, que tu aimes ton enfant par-dessus-tout et que tu veux t’en occuper ? Ok, tu vas faire une dépression. Mais une dépression, ça se soigne ! Tu vas perdre ton emploi ? Et alors ? Est-ce une raison pour tuer ton enfant ? Bien sûr que non ! Tu vas traverser une période de deuil difficile, d’accord. Mais en étant bien soigné, en prenant bien soin de toi, en t’entourant de bonne façon, tu t’en remettras progressivement, tu surmonteras peu à peu ta dépression, tu te retrouveras un emploi. En quoi ton petit serait-il en cela condamner à une vie de misère ?
Dans mon exemple, je faisais référence à des grands prématurés confiés à un orphelinat. Les grands prématurés exigent des soins très particuliers en néonatologie pour continuer de se développer. Cela prend de l’équipement et du personnel en conséquence. On ne peut pas simplement les flanquer dans un orphelinat et s’en laver les mains.
Moi non plus, fort probablement.
C’est étrange: Je ne comprends pas où on ne se comprend pas…
Mon exemple visait à démontrer qu’il n’y a pas de bonnes raisons pour mettre un enfant à mort. Tu sembles être d’accord. Pourtant, tu te refuses de juger ceux qui tuent des fœtus viables. Voici pourquoi je n’ai pas l’impression que tu réponds à ma question:
(1) Tu condamnes les infanticides
(2) Tu ne condamnes pas les avortements tardifs
Je pose la question: Qu’est-ce qui fonde la différence entre (1) et (2). Tu me réponds (2). Ma logique ne peut pas accepter (2) comme la réponse à savoir ce qui fonde la différence entre (1) et (2)…
Si tu condamnerais « fort probablement » des parents qui mettent leur rejeton à mort un mois après sa naissance, pourquoi te sens-tu incapable de maintenir le même jugement s’ils font la même chose un mois avant sa naissance? En d’autres mots, quelle différence essentielle entre un fœtus viable et un nouveau-né fait en sorte que l’un a un droit à la vie et que l’autre n’en a pas?
J’ai bien saisis cela; je ne te suspecte absolument pas d’applaudir les avortements ni même de les banaliser. Ce dont je te suspecterais, c’est de laisser ton empathie émotionnelle aveugler ton jugement moral.
Idéalement, il n’y aurait jamais de meurtre. Mais lorsqu’il y a des meurtres, on punit le meurtrier. Idéalement, l’avortement tardif ne serait pratiqué que pour sauver la vie de la mère…
Salut Sylvain, je suis bien content que tu entres dans la discussion. J’apprécie beaucoup tes commentaires, tu fais ressortir l’essentiel avec brio et tu arrives mieux que moi à circonscrire l’enjeu. As-tu déjà pensé à publier ? Je crois que tu as reçu les dons nécessaires pour écrire, car tu maîtrises parfaitement la pensée discursive et l’expression de celle-ci. Ce don n’a pas été fait à tous, je t’exhorte à le mettre au service du plus grand nombre. Tu pourrais écrire Un plaidoyer pour le conservatisme (je dis ça comme ça, je ne sais pas si tu es conservateur; l’es-tu ?), je me propose pour les lectures d’épreuve de ton manuscrit…
1. Merci pour cette précision, elle est essentielle. Lorsque j’ai dit que ton argument était dangereux, c’est parce que je pensais que tu proposais le bien comme étant le bien-être. Ainsi le « bien-être » pour des parents de ne pas avoir un enfant malade justifierait la mise à mort de cet enfant. Toi et J.Voyelle avez bien fait de relever que je ne défends pas la vie de manière absolue. Je crois en effet qu’il y a des raisons qui justifient la mise à mort de la vie. Ce que je voulais dire c’était que la vie d’un enfant a préséance sur le bien-être de ses parents…
2. Je dois dire que je suis finalement en accord avec ton argument, une fois expliqué, que le BIEN a préséance sur la vie. Il n’y a qu’un problème, comment définir le BIEN ? Tu as déclaré, avec raison, à mon égard : « Encore une fois, c’est que tu présumes que ton échelle de valeur est divine alors que la nôtre serait humaine… » Je suis théiste, je crois donc à une révélation immanente de Dieu. Tu es déiste, tu crois que l’homme est laissé aux seules lumières de la nature et de la raison. Toi et moi pourrions amplement démontrer par l’histoire l’insuffisance de ces deux sources pour mener l’homme entièrement dans le BIEN. La raison peut fonctionner bien, mais elle peut errer : preuve en est qu’une grande partie de la société accepte ce que tu as démontré être l’équivalent d’un infanticide.
La raison est obscurcie par quelque chose. Aucun homme n’a un raisonnement pur, sans faille qui le conduirait inéluctablement au BIEN. Le psychiatre Scott Peck appelle cela le mal (il y a le mal dans l’homme), Freud parle du mal comme de l’opposé au bien (le mal a un effet sur l’inconscient), la Bible appelle ce problème le péché (tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu Rm 3.23). Par conséquent, la raison ne peut pas être autonome, tôt ou tard elle agira contre le BIEN (en supposant que le BIEN soit universellement normatif). D’où la nécessité d’une révélation spéciale pour guider la raison et conduire l’homme vers le BIEN. Je crois et je suis prêt à défendre l’infaillibilité des Écritures saintes lorsqu’elles sont reçues comme Parole de Dieu à l’intérieur du Canon.
Pourquoi te semble-t-il invraisemblable que Dieu se soit révélé de manière spécifique ? Si Dieu est Dieu, ne peut-il pas avoir parlé par des prophètes et s’être incarné ? C’est la prétention du Christ lorsqu’il dit qu’il est la lumière du monde, la Parole faite chair, le chemin la vérité et la vie. Je crois que Christ est la révélation suprême qui conduit tout homme dans le BIEN.
J.Voyelle #29
Merci J.Voyelle pour ta franchise. La peine de mort est un châtiment qui repose sur le même principe que la notion de punition et de correction. Tu peux refuser la peine de mort comme étant une bonne application de ce principe, mais je suis certain que tu acceptes le principe lui-même. Ce principe étant qu’une offense mérite d’être punie; c’est la simple justice. J’applique ce principe avec mes enfants : la désobéissance mérite une punition (il me reste à déterminer quelle punition). La société applique ce principe avec l’incarcération : tu commets un crime, tu mérites une condamnation (payer une amende, être sous probation, aller en prison).
Lorsque nous appliquons ce principe, nous contribuons au BIEN. Un enfant ne comprend pas nécessairement que son père puisse le corriger par amour, mais il n’en demeure pas moins que c’est par amour… Maintenant, peut-on appliquer la peine de mort par amour ? D’abord, il faut dire que la justice pénale n’est pas sentimentale elle est légale. La justice ce n’est jamais une affaire personnelle, mais c’est une affaire publique. C’est un enseignement biblique :
La peine de mort est simplement l’application d’un principe normatif : la punition du crime. Je peux aimer des criminels tout en croyant que leur châtiment est juste. De même, je pourrais les accompagner à la potence en les aimant tout en croyant que ce châtiment est juste.
Tu connais ma prudence envers l’utilitarisme lorsqu’il est appliqué comme une fin en soi. Mais j’utilise néanmoins deux arguments supplémentaires qui sont de cette nature. 1. La peine de mort, contrairement à l’incarcération, empêche toute récidive. L’emprisonnement n’empêchement pas le crime, il l’augmente même (il y a beaucoup plus de crimes, d’agressions et de tentative de meurtre en prison qu’en dehors). 2. La peine de mort est un châtiment dissuasif pour prévenir le crime. Ceci étant dit, je ne suis pas favorable à la peine de mort premièrement pour des raisons utilitaristes, mais pour une raison que je considère être un impératif moral : la rétribution du mal. Je crois que la peine capitale est une juste application du principe fondamental de justice avec lequel tu es d’accord (je crois).
Parce que je ne me sens pas capable de faire abstraction de l’humanité de la femme et de la considérer comme une simple couveuse. Voilà pourquoi.
Du droit de fœtus ou de ceux de la mère, je suis incapable de trancher et de faire une règle générale. On parle beaucoup des droits du fœtus. Mais qu’en est-il de ceux de la femme qui le porte ? Aussi vitale et précieuse la fonction de couveuse puisse-t-elle être, la femme est aussi un être humain à part entière, avec des droits. Au nom de quelle morale peut-on obliger une femme à porter un enfant qu’elle devra ensuite donner à l’adoption parce qu’elle n’en veut pas ?
Jusqu’à quel point la femme peut-elle être instrumentalisée au nom du droit du fœtus ? Jusqu’où est-il moral de fixer la limite à cette instrumentalisation ?
R.B., je n’ai plus de temps pour te répondre. Je te reviendrai.
Je vote pour les Conservateurs, mais j’appartiens à une famille politique plus spécifique: Les progressistes-conservateurs d’avant la scission du parti en 2003, ce que les anglophones qualifient de « Red Tory ». Je serais ainsi un conservateur de gauche, ou un centriste… Bref, mon identification au conservatisme est mitigée.
Merci bien pour les compliments concernant mon écriture; j’ai l’intention d’écrire un jour mais je ne me sens pas prêt en ce moment car mes idées évoluent rapidement. Je ne veux pas publier un livre dont je voudrai me dissocier d’ici quelques années seulement.
D’un point de vue historique, la Bible non plus n’a pas mené l’homme entièrement dans le Bien. En l’interprétant, de nombreux hommes ont commis le mal. Les erreurs d’interprétation de la Bible ne me semblent ni moins nombreuses ni moins graves que les erreurs d’interprétation de la raison et de la nature.
La raison est obscurcie par quelque chose, par conséquent elle ne peut pas être autonome? Cette voie de conséquence implique la croyance en une perfection préétablie. Si la raison est imparfaite, elle est forcément incomplète car la complétion serait forcément parfaite? Je ne partage pas cette croyance. Je conçois la perfection comme l’idéal de l’être humain et non comme sa réalité; que la raison soit imparfaite m’apparaît donc comme tout à fait logique et sensé.
Parce que, selon ma conception de Dieu, un événement circonstanciel ne peut pas être divin. Une révélation, bien qu’on puisse lui attribuer un caractère universel d’un point de vue théologique, est un événement circonstanciel d’un point de vue factuel. Je ne conçois pas que Dieu se révèle selon une modalité non-universelle; d’innombrables âmes se retrouveraient ainsi dans la situation fort embarrassante où elles n’ont aucune connaissance de la révélation simplement parce qu’elles sont trop loin du lieu physique où cette révélation eut lieu (cet exemple précis n’est pas essentiel; je le mentionne seulement pour imager en quoi une révélation non-universelle m’apparaît comme non-divine).
Pourtant, tu tranches beaucoup plus nettement que moi l’écart entre les droits du fœtus et ceux de la mère. Si la vie de la mère est en danger, on tue le fœtus: C’est déjà qu’on priorise la vie de la mère. Sauf que la perte envisagée lors d’un avortement tardif est bien différente:
Pour le fœtus: La mort
Pour la mère: Donner son enfant en adoption
En bref, on tue l’enfant pour éviter du chagrin à la mère. Ça me semble très tranché comme échelle de droits…
On ne force pas la mère à poursuivre sa grossesse, on lui interdit simplement de mettre son enfant à mort après l’avortement. Donc, si elle avorte un fœtus viable, on a un enfant digne de vivre dans les bras.
Les médecins peuvent avoir recours à la mort provoquée du foetus in utero. Dans ces conditions, la mère ne peut pas accoucher d’un fœtus viable.
Mais prenons pour exemple une femme qui avorterait effectivement d’un fœtus viable. De quel droit alors provoquer une naissance prématurée et violente, si de toute façon, nous garderons le bébé en vie ? De quel droit arracher le foetus de la quiétude du ventre de sa mère pour le mettre en incubateur (car il ne fat pas rêver, des mamans kangourous bénévoles ou rétribuées pour porter les prématurés à terme, ça ne doit pas pleuvoir les rues) ? Si on détermine que le fœtus viable a droit de vivre, j’estime qu’il a aussi droit de poursuivre sa gestation à terme dans le ventre de sa mère. En même temps, j’estime qu’il ne serait pas moral d’astreindre une femme à porter à terme un enfant dont elle ne voudrait pas. De réduire cette femme à la fonction de couveuse, en quelque sorte. Delà mon dilemme.
R.B. Je réfléchis à ce que tu as écrit. L’idée d’appliquer la peine capitale comme rétribution du mal, je comprends, mais je crois aussi trouver ça barbare. Et le fait que la peine de mort serait un châtiment dissuasif pour réduire le crime est aussi souvent remis en question. Enfin. J’y réfléchis. Et je suis effectivement d’accord avec le principe fondamental de la justice, de même qu’avec les notions de punition et de correction qui accompagnent ce principe.
Tu as préétabli des limites dans lesquelles Dieu devrait se conformer. Mais en même temps tu rejettes l’idée d’une perfection préétablie:
Cela me semble contradictoire. Premièrement, je crois qu’on ne doit pas déterminer à l’avance à quoi Dieu devrait ressembler ou ce qu’il peut ou ne peut pas faire. Agir ainsi c’est se faire une idole. Qu’est-ce qui empêche le surnaturel et l’éternel de se manifester dans le naturel et le temporel, sinon un dogme déiste arbitraire ? Mais deuxièmement, tu contredis ta propre croyance en admettant une perfection préétablie pour ce qui concerne l’existence de Dieu, tout en refusant que ce Dieu ait des exigences préétablies pour les hommes qui soient connaissables par ceux-ci au moyen d’une révélation.
Y a-t-il eu au cours de l’histoire une tendance chez l’homme à déifier la nature, à voir une révélation là où il n’y en avait pas, à prophétiser faussement, à inventer des miracles ? Assurément ! Est-ce que cette tendance annule de facto la possibilité pour la divinité de se manifester dans le monde naturel, à parler par des prophètes et à manifester sa puissance par des miracles ? Aucunement !
N’est-ce pas là encore une évidence que tu as décidé à l’avance à quels standards Dieu doit se conformer ? Je te pose une question: l’homme est-il la mesure de tout, ou l’homme est-il dépassé par quelque chose que sa raison ne peut juger ?
Je suis ouvert à l’idée que Dieu est plus grand que l’homme; Dieu ne peut donc pas être compris exhaustivement par l’homme. Si je refuse cette idée, lorsque j’arriverai devant des impossibilités rationnelles je vais les ajuster à la raison et ainsi me faire une idole en rationalisant Dieu. Exemple: Dieu a créé toute chose, qui a créé Dieu ? Cette question rationalise Dieu en voulant le limiter à la raison humaine qui ne peut concevoir qu’un être n’ait pas de commencement. La vérité c’est que Dieu est éternel, il n’a ni commencement ni fin, il est incréé. Cette dernière affirmation n’est pas irrationnelle, elle est suprarationnelle (au-dessus de la raison). Ce n’est donc pas par la raison que je dois l’appréhender, mais par la foi (Hébreux 11.1-6). La foi repose sur la révélation.
Maintenant, appliquons ceci au problème que tu soulèves avec une révélation divine non-universelle. À qui Dieu est-il tenu de se révéler ?
Les païens peuvent-ils plaider l’excuse de n’avoir pas connu la révélation de Dieu ? Ils n’ont pas connu la révélation spéciale de Dieu puisque de toute évidence elle n’a pas été offerte à tous les hommes. Cependant, cette révélation n’est pas un dû, mais une grâce. Les païens demeurent inexcusables puisqu’ils ont connu Dieu par la révélation générale, mais ils n’ont pas glorifié Dieu par cette révélation, plutôt ils se sont inventé une panoplie de dieux (des dieux sculptés ou des dieux conceptuels) pour remplacer le vrai Dieu :
Si les païens n’ayant pas eu accès à la révélation spéciale sont sans excuse d’avoir rejeté le vrai Dieu pour des idoles, sont encore plus coupables ceux qui ont eu accès à cette révélation et qui l’ont rejeté. Le verdict est sans équivoque :
Généralement, les déviances de l’Église furent causées par un abandon de l’Écriture au profit de la tradition, plutôt que par une mauvaise interprétation de l’Écriture. Il y a bien eu quelques erreurs d’interprétations de la Bible, mais ce ne sont pas elles qui ont mené aux abus du christianisme. Les croisades, l’inquisition, la commercialisation du salut pour enrichir l’opulente Église, etc. n’avaient pas pour fondement une mauvaise interprétation de la Bible, mais plutôt l’autorité papale. La Bible fut ignorée par l’Église et c’est ce qui a mené à ses infidélités.
Reste néanmoins, comme tu le dis, que certains ont mal interprété la Bible et ont commis le mal. Cela n’invalide pas la Bible comme source de vérité, tout comme la nature n’est pas invalidée par le mauvais usage qu’on en fait. Ce que je dis cependant, c’est que la nature ne fournit pas assez de lumière pour mener de manière univoque dans le Bien. Si on peut se tromper sur le sens d’une révélation spécifique, encore bien plus sur le sens d’une révélation générale. La question n’est pas donc de savoir si les hommes ont fait le bien, mais comment le BIEN est-il connaissable ? Je crois que si le BIEN est normativement universel, nous avons impérativement besoin d’une révélation spéciale pour nous y mener.
Je crois que je commence à comprendre ton point de vue. Seulement, si j’ai bien compris ton dilemme, je ne comprends pas ta position finale face à ce dilemme. Tu es divisée entre le sentiment que le gouvernement n’a pas le droit de dicter aux individus comment gérer leur reproduction et le sentiment qu’un fœtus viable a droit à une bonne vie, pas seulement à la vie. Deux points en réponse:
(1) Nous sommes bien loin du point où nous réduirions la femme à la fonction de couveuse. Premièrement, elle n’est pas forcée de tomber enceinte; les hommes comme les femmes sont responsables des conséquences de leur comportement sexuel. Deuxièmement, nous parlons des avortements tardifs: Cinq mois me semble un délai raisonnable pour se faire avorter si la femme ne veut pas porter sa grossesse à terme. Et troisièmement, est-ce qu’on réduit la femme à la fonction de nourricière parce qu’il est interdit de tuer les nouveau-nés? Lorsqu’on considère un être humain digne de vivre, on ne réduit la fonction de personne en interdisant de le mettre à mort…
(2) Si tu es mal à l’aise à l’idée de faire naître un enfant dans une situation difficile, il est étrange que tu sois plus à l’aise à tolérer sa mort. C’est comme de suggérer le suicide à quelqu’un de malheureux… On ne souhaite à aucun enfant de naître d’une mère qui ne veut pas de lui, mais pouvons-nous juger que la mort est préférable à une vie malheureuse? Imagine-toi dans la tête de quelqu’un qui est effectivement né n’une mère qui ne voulait pas de lui: Quelles seraient les implications d’une société qui tolère qu’on tue des fœtus autrement viables pour leur éviter une vie jugée indigne d’être vécue?
Je comprends que tu ne souhaites pas te ranger dans un camp, mais en t’abstenant de juger tu te ranges dans le camp des pro-choix radicaux puisqu’ils sont les vainqueurs du statu quo. Généralement, les pro-choix radicaux (favorables au droit à l’avortement tardif) sont ceux qui n’ont absolument aucun égard pour la vie du fœtus, ceux qui estiment que le fœtus n’est qu’un bien meuble dont la mère peut disposer à sa guise au même titre qu’une vieille table. Si, en ce qui te concerne, tu es habitée par un dilemme entre le droit à l’avortement de la mère et le droit à la vie du fœtus, je ne comprends pas que tu tolères l’avortement jusqu’aux tous derniers jours de la grossesse. D’ailleurs, si je me souviens bien, tu t’étais faite l’avocate du compromis lors du dernier débat, et le compromis qui avait semblé te rallier était de limiter les avortements légaux à avant la viabilité. Ainsi, les pro-vies concèdent que les avortements réguliers soient légaux et les pro-choix concèdent que les avortements tardifs soient illégaux. En maintenant la légalité des avortements tardifs, il n’y a aucun compromis: C’est la victoire absolue des pro-choix.
Hehe, c’est drôle d’avoir une discussion théologique sur Antagoniste…
R.B., tu es le prêtre le plus rigoureux intellectuellement avec lequel j’ai communiqué. Il y a quelques années, alors que je définissais ma situation spirituelle, j’ai tenté de discuter de théologie avec de nombreux prêtres. Je n’ai reçu aucune réponse des institutions de l’Église avec lesquelles j’ai tenté de communiquer; les quelques catholiques que j’ai rencontrés se sont restreint à me répéter la catéchèse. Seul un pasteur baptiste a prit le temps de correspondre avec moi… Je suis heureux d’avoir l’opportunité de refaire l’expérience avec un catholique. Est-ce que tu fais ton service dans une église montréalaise? Je serais bien curieux de voir comment tu prêches…
Mais revenons à nos moutons.
En effet, j’estime qu’il n’y a pas de perfection préétablie, car c’est le rôle de la vie d’évoluer pour l’incarner toujours un peu plus, mais j’estime que le concept de Dieu est préétabli. Pour un déiste, Dieu n’est pas une personne mais un concept.
Justement, tu me fais l’argument qu’on ne peut pas comprendre Dieu complètement: Il me semble donc beaucoup plus approprié de le concevoir comme un concept plutôt que comme une personne. En concevant Dieu comme une personne, on fait une projection anthropomorphique de la divinité et on s’attribue une importance et un pouvoir de compréhension qui me semblent surhumains: On tente de rapprocher Dieu de l’Homme. Pour moi, un dieu qui jalouse l’adoration que les païens portent à des idoles n’est tout simplement pas un dieu. Ou plutôt, il est justement un dieu païen lui-même: Un dieu qui pense comme un humain. La jalousie est une émotion trop bêtement humaine pour être divine…
Je concède que c’est un dogme qui m’empêche de croire que Dieu puisse se révéler. Néanmoins, j’estime que toute croyance spirituelle fondamentale est forcément un dogme. Croire que Dieu s’est révélé est un dogme théiste. Croire qu’il ne peut pas se révéler est un dogme déiste. Croire qu’on ne peut rien savoir sur Dieu est un dogme agnostique. Croire que Dieu n’existe pas est un dogme athée. Dans tous les cas, on choisit le fondement de notre croyance et on construit notre conception de l’existence à partir de celui-ci.
Et que fait-on devant différents prophètes, qui chacun apporte une vérité distincte et qui réalise des miracles également plausibles? Jésus est manifestement le Fils de Dieu, mais Mahomet est manifestement un imposteur? Pourtant, pour les Juifs, Jésus est manifestement un imposteur… Chaque religion théiste prétend adorer le seul vrai Dieu mais aucune ne peut démontrer objectivement que sa vérité est exclusive. En ce qui me concerne, je serais une sorte de syncrétiste qui conçoit les religions comme différentes facettes symboliques de la sagesse divine, comme des véhicules utiles à des vérités qui ne seraient autrement accessibles qu’aux seuls philosophes. Accepter une religion comme la révélation pure et exclusive de la vérité divine m’apparaît comme beaucoup trop facile: Rien dans la nature ou dans la raison n’est aussi facile.
Je suis désolé de devoir te décevoir mon cher Sylvain, mais je ne suis pas catholique. Je suis protestant, de tradition et de théologie Réformé Baptiste (R.B.) Sans vouloir être désobligeant à l’égard de l’Église catholique, je crois qu’elle a de plus en plus de difficulté à défendre de vieux dogme moyenâgeux et sa réflexion semble figée. Ceux qui ne demeurent pas statiques sont quelques prêtres rebelles qui sortent des sentiers battus. Autrefois l’Église n’avait pas ce problème, car les fidèles ne devaient pas poser de question, mais accepter, sans mot dire, le mystère de la foi. Je n’ai jamais rencontré un prêtre catholique qui avait une apologétique consistante (c’est parce que leur foi ne repose pas exclusivement sur la Parole de Dieu 😉 )
Je suis ministre du culte auprès des détenus à Ste-Anne-des-Plaines (on cherche des bénévoles…) mais mon ministère principal est auprès d’une congrégation réformée baptiste à St-Jérôme dans les Basses-Laurentides (tu es plus que bienvenu si tu veux visiter l’Église et écouter la prédication ; je serai très heureux de te garder à dîner) Nous avons aussi un excellent pasteur à Montréal.
Je dois avouer que je conçois mal comment Dieu ne peut être qu’un concept. Peut-être que je ne comprends exactement ce que tu veux dire. Dieu existe-t-il en lui-même en dehors de la conception humaine ou Dieu est-il simplement une chimère façonnée dans l’imagination collective qui serait (ou aurait été) nécessaire pour la convergence sociale ?
Ne pas comprendre Dieu exhaustivement ne signifie pas ne pas comprendre Dieu du tout. Si Dieu est une Personne telle que la Bible le présente, il est normal que l’homme ne puisse pas le comprendre exhaustivement puisque l’homme est fini, Dieu est infini; l’homme est dérivé, Dieu est absolu. Je ne vois pas du tout par quelle nécessité intellectuelle ou naturelle l’existence d’un Dieu personnel doit être invalidée ?
Je crois que le choix d’apriori que tu mentionnes en disant : « on choisit le fondement de notre croyance » explique pourquoi on peut ou ne peut pas accepter l’existence personnelle de Dieu et non une nécessité ontologique, épistémologique, existentielle ou rationnelle. J’apprécie ton honnêteté. Mais maintenant que tu admets que tu as délimité les conclusions recevables avant même d’avoir construit ta conception de l’existence, pourquoi ne pas faire tabula rasa et recommencer sans autre chose maintenant pour appréhender l’existence que toute ta personne avec ses facultés et ses capacités. Je suis prêt à faire la même chose en tentant de me dégager autant que possible de mes présupposés.
Il s’agit d’un enseignement unique au christianisme : parce que l’homme a voulu se faire Dieu, Dieu s’est fait homme. Contrairement aux autres religions, le mouvement vers Dieu dans la foi chrétienne n’est pas ascendant, mais descendant. Si Dieu est connaissable, le mouvement ne peut qu’être descendant.
Jean Calvin considérait la révélation comme les balbutiements de Dieu avec les hommes. Dieu condescend (au sens ancien du terme : s’abaisse) et prend le langage de l’homme et se révèle à lui dans les limites de sa finitude. Dieu incarne le langage de l’homme au point où il utilise des concepts anthromorphiques, au point où la Parole s’est faite chair et est devenue un homme…
Maintenant, lorsque l’Écriture dit que Dieu est jaloux il faut mettre cela en relief avec le reste de ce que l’Écriture dit sur Dieu et ainsi on comprend qu’il n’y a pas de commune mesure entre notre jalousie et celle de Dieu; il deviendra alors évident que Dieu utilise ce concept uniquement pour communiquer l’exclusivité de sa gloire. Dieu est présenté comme étant autarcique; il n’a aucunement besoin de la révérence de ses créatures, ni de quoi que ce soit en dehors de lui-même, il ne lui manque rien. Cependant, Dieu exige l’exclusivité parce que donner la gloire du Dieu infiniment glorieux et saint à des êtres finis et corruptibles est une faute grave qui entraine toute une série de fautes (l’idolâtrie est à la base de la déviance du BIEN, le fondement étant rejeté l’édifice s’écroule). Ce n’est donc pas pour lui-même qu’il est jaloux comme s’il était diminué par notre idolâtrie; il est jaloux mais sans douleur, jaloux mais sans inquiétude, jaloux mais pour notre bien afin de nous mener dans le BIEN.
Présupposes-tu que la connaissance de la vérité est exclusivement objective ? Par quelle nécessité en est-il ainsi ? J’ai répondu récemment à Janus qui m’a soulevé ce problème (au commentaire # 63 de ce billet).
Je ne répèterai pas tout ici, mais l’essentiel seulement. Si Dieu est une personne surnaturelle, le connaître passe obligatoirement par une connaissance personnelle surnaturelle. Tu discutes actuellement avec quelqu’un qui prétend connaître Dieu personnellement par une expérience subjective surnaturelle : le Saint-Esprit.
Tu me diras que tu n’as aucune possibilité d’être convaincu de ce que j’avance à moins de faire toi aussi cette expérience vivante. Tu as absolument raison. Cependant, même si la connaissance de la vérité passe par une expérience subjective, elle repose sur une révélation objective. Tu ne seras pas convaincu que la Bible est la vérité à moins d’en faire l’expérience, mais si la Bible est vraiment la Parole de Dieu elle ne pourra jamais être anéantie. Je suis donc prêt à prendre toutes les attaques que tu peux lancer contre la Bible et moi je la défendrai comme étant la vérité révélée en répondant à tous tes arguments. Avec l’apôtre Paul, je suis persuadé qu’il n’y a « pas de puissance contre la vérité; mais que pour la vérité. (2 Co 13.8) » Par contre je suis persuadé que tu pourrais démontrer l’incohérence des autres religions sur une base objective, mais je ne crois pas que tu pourras faire la même chose avec l’Écriture sainte.
J’ai une question en terminant. Si tu ne crois pas à une perfection préétablie, comment peux-tu croire en un BIEN normativement universel ? (à moins que tu n’y crois pas non plus, mais alors je ne vois plus pourquoi tu t’opposerais à l’avortement tardif au nom du BIEN; le BIEN pourrait aussi être le choix de la mère)
Cela reste un mystère pour moi que tu arrives aussi bien à défendre une idée que je partage avec toi, car je crois que nous arrivons à cette idée par deux chemins différents. Ceci étant dit, je me suis retiré du débat afin de te laisser toute la place, car j’aurais probablement affaibli ton plaidoyer en l’empêchant d’être aussi efficace. À mes yeux tu as parfaitement circonscrit l’enjeu, tu as endigué la position pro-choix dans ses limites morales et tu as démontré de manière irrésistible que les avortements tardifs sont indéfendables. Je ne crois pas qu’il reste encore des munitions dans le camp adverse (ce qui ne les fera pas nécessairement changer de camp; je ne dis pas cela par rapport à J.Voyelle dont j’apprécie les commentaires, mais par rapport à la position pro-choix de manière générale). Chapeau, tu as parfaitement défendu ta position.
Oups, je ne sais pas pourquoi je t’ai présumé catholique… En effet, tes critiques de l’Église étaient assez sévères et l’image de ton avatar est clairement celle d’un protestant. Je suppose que c’est simplement parce que tu réfères à l’Église catholique comme « l’Église » et parce que les catholiques sont beaucoup plus nombreux que les protestants au Québec… Pour ce qui est d’une visite à St-Jérôme, je garde l’idée en mémoire pour la fin de l’été, où je serai libre d’entreprendre une telle expédition!
Tu as bien répondu à cette question en opposant la conception théiste à la conception déiste:
En tant que nécessités ontologique et existentielle, Dieu existe donc en dehors de la conception humaine même si la démonstration de son existence inclut les nécessités épistémologique et rationnelle, qui elles n’existent que dans l’esprit humain.
Ce n’est pas une « nécessité » intellectuelle, c’est seulement une « pression » intellectuelle. J’ai l’impression que le Dieu théiste est moins « divin » que le Dieu déiste justement parce que, comme tu le dis, il se rabaisse à la situation des humains pour communiquer avec eux. Pour moi, le caractère transcendant de Dieu implique un tel écart avec l’être humain qu’on ne peut pas le qualifier de « personne » sans déformer son être. L’être qui est l’origine de l’univers est trop inconcevable à l’esprit humain pour que le terme « personne » n’alourdisse pas notre intellect de fausses préconceptions. C’est pourquoi je dis que Dieu est un concept plutôt qu’une personne.
D’accord; ma critique quant aux émotions de Dieu est réfutée 😉
Haha, faire tabula rasa de ma conception de l’existence ?! Ce n’est pas rien! Mais c’est un jeu qui plaît bien à l’existentialiste que je suis. En fait, je crois que c’est nécessaire pour participer de façon intègre à quelque discussion spirituelle que ce soit. C’est pourquoi de telles discussions ne sont jamais purement rationnelles; il y a forcément une bonne part d’incitation intuitive puisque le choix de notre dogme fondateur ne peut pas être rationnel.
Cette conception de la foi s’apparente intimement au mysticisme…
Ce n’est pas à l’objectivité de la connaissance à laquelle je référais mais bien à l’objectivité de la vérité. Si la connaissance de cette vérité est personnelle, c’est-à-dire subjective, il n’y a aucune raison de croire que la vérité à laquelle elle donne accès soit objective. N’importe quel mystique peut être absolument certain que son expérience personnelle lui a révélé la vérité universelle; aucun n’aura intrinsèquement plus raison qu’un autre.
Tu vas répondre à mes arguments, mais ça ne veut pas dire que je serai convaincu. Par exemple, je crois en l’évolution parce que les scientifiques évolutionnistes tiennent un discours plus persuasif que les scientifiques créationnistes. Tu pourras arguer que ce sont les créationnistes qui ont raison, je continuerai probablement à croire les évolutionnistes. Et si tu es toi aussi évolutionniste (je sais que plusieurs chrétiens le sont malgré les stéréotypes à ce sujet) et que tu argumentes que la Genèse raconte la création du monde de façon métaphorique, ça rend l’ensemble de la Bible assez facile à défendre car, lorsque le texte n’est pas correct dans les faits, on peut arguer qu’il est correct métaphoriquement.
Même pas le judaïsme? La Torah est quand même l’Ancien Testament… 😉
Il serait très difficile de démontrer l’incohérence des religions orientales puisqu’elles ne prétendent pas détenir une vérité exclusive. Elles sont simplement des spiritualités philosophiques qui offrent un mode pour appréhender l’existence. On pourrait démontrer que leur vérité est partielle – elles-mêmes ne prétendent pas le contraire – mais dire que seul le christianisme serait exempt d’incohérences est une affirmation qui m’apparaît indéfendable.
C’est une nuance terminologique. Je crois que la perfection est préexistante, mais elle n’est pas préétablie. C’est-à-dire que nous pouvons (et devons) nous rapprocher d’elle à force d’efforts de volonté et de raison mais que nous n’avons aucun moyen d’établir avec certitude où elle se situe dès le départ. Nous pouvons connaître la direction, mais pas la destination. Il n’y a donc pas de nécessité d’une révélation surnaturelle pour établir le Bien parfait, puisqu’il n’y a tout simplement pas de nécessité d’établir le Bien parfait.
Je ne suis pas parfait, la raison elle-même n’est pas parfaite. Je crois que les avortements tardifs sont défendables dans la mesure où on assume qu’on n’accorde aucune valeur à la vie d’un fœtus avant sa naissance. De même, l’esclavage est défendable si on assume que la liberté n’est pas une valeur fondamentale. Dans ce genre de débat, je ne crois pas qu’on puisse démontrer par un discours intellectuel qu’une opinion soit objectivement meilleure qu’une autre. Ce qu’on peut faire, c’est faire ressortir les fondements des opinions pour vérifier si leurs promoteurs les assument. Et généralement, les individus qui proviennent d’une même culture assument les mêmes valeurs malgré leurs différences d’opinion (c’est l’utilité du débat intellectuel de s’en rendre compte).
Ma croyance, optimiste et/ou idéaliste (c’est en ce sens que j’ai la foi), est que les forces existentielles qui portent les valeurs les plus près du Bien prévalent ultimement.
R.B. Merci à toi de t’être retiré du débat. En ce qui me concerne, tu aurais mieux fait de continuer de garder le silence. Je n’apprécie pas le ton que tu emploies pour parler du débat de l’avortement, comme s’il s’agissait d’une guerre à finir contre les pro-choix. Et que tu choisisses de garder le silence pour des raisons « tactiques » plutôt que pour vraiment tenter de comprendre ce que les autres ont à dire, c’est vil.
Sylvain, merci de ta réponse qui me fait effectivement réfléchir au # 39. Je te reviens là-dessus. Mais je ne puis te dire quand pour le moment. Peut-être demain, peut-être dans plusieurs semaines.
Enfin, exception faite du petit paragraphe hors contexte de R.B., j’ai beaucoup aimé vous lire tous les deux.
Ma division découlait de ton idée au commentaire # 38, dans laquelle tu proposais qu’une solution de compromis pourrait être 1) de maintenir le droit à la femme d’avorter tardivement de son fœtus, à condition 2) d’octroyer le droit à ce fœtus de demeurer en vie.
Cela pose à mon sens un conflit éthique de taille : si nous décidons d’octroyer de toute façon le droit de vivre au fœtus, de quel droit priverions-nous ce fœtus d’être porté à terme dans le ventre de sa mère ?
Si, comme société, nous décidons que le foetus sera de toute façon gardé en vie, et dans la mesure où la vie de la mère n’est pas en danger, j’estime que ce foetus a le droit d’être porté à terme dans le ventre de sa mère, soit dans le conditions les plus favorables à son bon développement.
Là où les moyens de contraception sont accessibles et dans des circonstances normales, la femme n’est effectivement pas tenue de tomber enceinte. Mais nous parlons ici de situations où la femme est déjà enceinte. Et depuis plus de 5 mois.
C’est effectivement un délai raisonnable. Idéalement, ce délai devrait être respecté. La réalité, par contre, ne se conforme pas à cet idéal. La réalité est qu’environ 35 Québécoises ont recours à l’avortement tardif par année.
Je ne crois pas que tu aies été ici intentionnellement de mauvaise foi, mais il s’agit là d’une fausse analogie. La femme qui a accouché et qui s’occupe de son nouveau-né le fait sur une base volontaire. Dans la mesure où l’on déterminerait que le fœtus viable a droit de vie, on pourrait potentiellement obliger cette femme à porter son fœtus à terme, malgré sa volonté. On lui retirerait ainsi, jusqu’à un certain point de son humanité en quelque sorte, le temps qu’elle porte l’enfant à terme, en exigeant d’elle qu’elle assume la fonction de couveuse.
Sylvain, tu dois comprendre que je ne ressens aucune forme d’aise à l’idée de tuer un fœtus in utero (ou viable, dans les cas où cela pourraient se produire). J’essaie seulement de me mettre à la place des 35 femmes (0.5% des avortements totaux) qui ont recours à cette forme d’avortement et des équipes médicales confrontées à ces situations. Pour en arriver à faire ce choix, j’estime que ces femmes doivent avoir de sérieux motifs.
Et quand tu parles de « faire naitre un enfant dans une situation difficile», attention, nous parlons ici d’un avortement tardif, d’une interruption de grossesse où le fœtus sera prématuré, voire grand prématuré. « Situation difficile » dans le cas d’un grand prématuré devant en quelque sorte lutter pour sa survie, m’apparaît être un euphémisme.
Et je remarque que tu ignores systématiquement le fait que les médecins peuvent provoquer la mort du fœtus in utero. Dans ce cas, la mère ne peut pas accoucher d’un fœtus viable. D’un point de vue légal, il me semble que ça change tout.
Encore ici, il s’agit à mon sens d’une fausse analogie. De fait, je ne peux rien suggérer à un fœtus. Je ne peux pas lui suggérer de s’avorter ou de se porter à terme.
Et puisque tu as abordé le sujet, je tiens à être claire : il ne me viendrait jamais à l’idée de suggérer le suicide à quelqu’un de malheureux.
Je ne comprends pas le sens de ta question.
Sylvain, c’est toi qui décides de me ranger dans le camp des pro-choix radicaux. Pour ma part, j’estime qu’il n’est pas aussi simple que tu sembles le suggérer de condamner les femmes qui décident d’avoir recours à l’avortement tardif.
Comme tu sembles bien l’avoir compris – et je t’en remercie -, je ne suis pas pro-choix radicale. Je ne suis pas non plus favorable aux avortements tardifs. Et je n’estime pas que le fœtus viable ne soit qu’un bien meuble.
Ta mémoire ne te trompe pas, Sylvain. Idéalement, ce serait la meilleure des solutions. Maintenant, il existe (par exemple) une trentaine ou quarantaine de cas au Québec par année qui ne se conforment pas à cet idéal (tu peux aller sur le site de Radio-Canada et consulter la section « Société » du 7 mars 2008 pour vérifier mes chiffres). Cela, c’est la réalité. Je suis d’avis qu’il faille se pencher sur ces cas et leur porter une attention particulière. Ne pas condamner à l’avance le choix des femmes qui choisissent d’avorter tardivement.
Il n’est pas question ici de victoire absolue ou de défaite absolue d’un camp ou de l’autre. Pourrions-nous sortir de ce carcan victoire-défaite de l’un ou l’autre des « camps » et aborder la question autrement, svp?
Tout ceci étant dit, comme je ne suis pas pro-choix radicale, je demeure ouverte à la discussion et la réflexion.
Merci à toi de contribuer de façon si constructive au débat. Et merci à R.B. aussi. R.B., tu peux aussi participer au débat, bien entendu. Mais je crois que tu es bien clairvoyant en estimant que ta participation pourrait potentiellement affaiblir le plaidoyer de Sylvain.
C’est mon opinion à moi aussi. Quand j’énonçais le principe qu’on ne peut pas tuer un fœtus viable suite à un avortement, c’était plus pour fixer un point de départ à la réflexion que pour proposer une politique d’action concrète. C’est justement parce que partage cette opinion, doublée de celle qu’un fœtus viable a effectivement droit à la vie, que je suis d’avis que les avortements tardifs devraient être interdits.
L’origine de notre désaccord est peut-être ici. Tu considères ces situations comme si les gens étaient toujours des victimes de la situation : « Nous ne parlons pas de la responsabilité d’utiliser des contraceptifs, nous parlons de grossesses non-désirées » « Nous ne parlons pas de la responsabilité d’avorter avant la viabilité, nous parlons d’avortement tardifs ». Si les gens se retrouvent face à une grossesse non-désirée, c’est parce qu’ils ont manqué à leur responsabilité d’utiliser des contraceptifs. Si les gens se retrouvent face à un avortement tardif, c’est parce qu’ils ont manqué à leur responsabilité d’avorter durant les cinq premiers mois. On ne peut pas balayer les causes de la situation comme étant un passé révolu. Les grossesses non-désirées qui se rendent au cinquième mois ne sont pas des fatalités qui s’abattent aléatoirement sur des individus passifs: Elles sont la conséquence d’actions irresponsables. Pas irresponsable au sens d’un écart délibéré mais irresponsable au sens d’une négligence majeure.
C’est pourquoi, lorsqu’on fait face à la réalité qui ne correspond effectivement pas à l’idéal, mon opinion n’est pas de réfléchir au meilleur moyen de favoriser le bien-être des parents. Je crois que, arrivés au point de la viabilité, les parents doivent assumer leur responsabilité. S’ils n’ont pas été assez responsables pour prévenir la naissance avant ce point, ils n’ont pas le droit d’enlever la vie à un fœtus viable pour suppléer à leur irresponsabilité.
Je te reformule mon analogie en d’autres termes pour qu’elle soit plus claire: Si une femme qui a accouché ne veut plus s’occuper de son enfant, elle a le droit de l’abandonner mais elle n’a pas le droit de le tuer pour lui épargner une mauvaise vie. Dans la mesure où le fœtus est viable, je crois que cette même logique est parfaitement applicable aux avortements.
Je n’ai pas dit que tu es à l’aise à cette idée, j’ai dit que tu es plus à l’aise à cette idée qu’à celle de condamner l’avortement tardif. En d’autres mots (plus justes), tu y es moins mal à l’aise. Moi non plus, je ne suis pas à l’aise de condamner les gens qui commettent des avortements tardifs car je crois que, dans bien des cas, leurs motifs ne sont pas mauvais. Seulement, l’acte me semble trop grave pour ne pas le condamner.
Tu as raison: D’un point de vue légal, ça change tout. Mais justement, tout mon argumentaire tente de démontrer que la légalité actuelle n’a aucun sens d’un point de vue moral. Je ne conçois absolument pas en quoi faire mourir le fœtus cinq minutes avant l’avortement soit différent de le faire mourir cinq minutes après l’avortement. Qu’est-ce que la sortie de l’utérus change d’un point de vue moral? Pour moi, dire que la culpabilité de l’avorteur disparaît parce que la mort fut causée à l’intérieur de l’utérus a autant de sens que dire que la culpabilité du meurtrier disparaîtrait parce que la mort fut causée les yeux fermés.
Si j’utilisais l’expression « tuer le fœtus suite à l’avortement » c’était seulement parce que ça nous permet d’imaginer les pleurs d’un enfant viable qui se fait mettre à mort. Si on le tue juste avant l’avortement, ça me semble être exactement la même chose que de fermer les yeux et de se boucher les oreilles avant de commettre un crime: On ne veut pas le voir ni l’entendre.
Ma question était : « Imagine-toi dans la tête de quelqu’un qui est effectivement né n’une mère qui ne voulait pas de lui: Quelles seraient les implications d’une société qui tolère qu’on tue des fœtus autrement viables pour leur éviter une vie jugée indigne d’être vécue? »
Ce que je veux dire est que, si on tolère les avortements tardifs pour le motif que la vie de l’enfant non-désirée serait tellement malheureuse, tellement indigne d’être vécue qu’il lui est probablement préférable ne pas vivre du tout, on confirme les tendances suicidaires de ceux qui ne se sentent aimés par personne et qui ne voient aucun sens à la vie. Dès qu’on fait l’argument qu’une mort peut être une bonne échappatoire à une vie malheureuse, on argumente implicitement contre la vie de tous les gens malheureux. C’est pourquoi je crois qu’on ne peut jamais argumenter en faveur de quelque avortement que ce soit au nom de l’enfant à naître: Seul le bien-être des parents constitue un argument significatif en faveur des avortements.
Je reconnais avoir entremêlé deux débats. D’un côté, il y a le fondement moral de notre opinion. De l’autre côté, il y a l’effet politique de notre opinion. Je sais très bien que le fondement moral ton opinion n’est radical d’aucune façon que ce soit: Ton opinion est au moins aussi éloignée de celle des pro-choix radicaux que de la mienne. Néanmoins, l’effet politique de ton opinion est exactement le même que celui de l’opinion des pro-choix radicaux: Un médecin n’est pas inquiété par la loi s’il commet un avortement au huitième mois de la grossesse. Cela parce que le statu quo correspond à l’opinion des pro-choix radicaux.
J’ai lu que tu es opposée à la peine de mort. Imagine-toi au Texas, où la peine de mort est légale et régulièrement utilisée. Imagine-toi face à une personne qui dit comme toi être mal à l’aise à l’idée de la peine de mort, mais qu’elle n’ose pas condamner les peines de mort car elle est sensible aux familles des victimes (j’essaie de rendre mon analogie réaliste). Elle s’abstient donc de s’opposer à la peine de mort. Ainsi, l’effet politique de son opinion est de préserver le statu quo, qui est la mise à mort régulière de criminels condamnés. Peut-être qu’il t’est plus facile ainsi de concevoir en quoi je perçois ton opinion dans le camp des pro-choix radicaux par ses effets. Je suis bien conscient qu’il ne t’est pas simple de condamner qui que ce soit car tu es manifestement très réticente à exercer ton jugement de façon négative; ce que je tente de faire valoir est que la neutralité n’est pas tenable dans ce genre de débat car le statu quo favorise clairement un camp. L’abstention est une approbation tacite…
Et félicitation à toi de faire de même! Si tu me semblais être une idéologue bornée, je ne prendrais certainement pas le temps de m’investir dans de si longues séances d’écriture 😉 Cet échange m’est bénéfique à moi aussi car il me permet de mieux comprendre l’opinion des gens qui, comme toi, sont sensibles à la question de l’avortement mais n’osent pas condamner par prudence/humilité morale.
J’aurais davantage tendance à faire une analogie avec l’euthanasie plutôt que la peine de mort. En ce qui me concerne, l’euthanasie pourrait être pratiquée par compassion, dans certains cas précis (mais ceci est, j’en conviens, un tout autre débat !). Peut-être est-ce une erreur de raisonnement de ma part. Peut-être l’analogie avec la peine de mort est-elle celle qui soit la plus près de la réalité.
Je comprends cela. J’y réfléchirai.
Oui… et si tu écoutes les spécialistes qui pratiquent ce genre d’avortements, à part peut-être quelques brutes sans scrupules qui pourraient exister quelque part, généralement, c’est avant tout par compassion que ce genre d’avortement est pratiqué. Lorsque ces spécialistes sont confrontés à des cas où la vie de la mère est en danger, bien entendu, mais parfois aussi lorsqu’ils sont confrontés à des situations où la vie de la mère n’est pas en danger au sens strict du terme.
Cher Sylvain, merci à toi d’avoir pris tout ce temps pour échanger sur un sujet qui me pose un grand dilemme au plan moral. Tes idées me seront très précieuses pour poursuivre ma réflexion et peut-être aurai-je le privilège de poursuivre la discussion avec toi à un autre moment. Et avec R.B., que j’estime beaucoup, bien entendu. Et merci à David de nous offrir cette plateforme pour avoir de si stimulants échanges. Le problème qui se pose actuellement : je n’ai malheureusement plus de temps pour poursuivre la discussion ! Je dois préparer ma valise car je pars pour une petite vacance d’ici quelques heures
À bientôt, donc, j’espère.
C’est parce que d’après les Petit Robert, le mot Église prend toujours une majuscule à moins qu’il désigne un bâtiment…
Si jamais tu viens, écris-moi à cette adresse (laisse-moi savoir si ce lien fonctionne), car il m’arrive parfois d’être invité à prêcher à d’autres Églises; je ne voudrais surtout pas rater ta visite.
Je ne vois pas en quoi la deuxième partie de cet énoncé est une évidence; comme tu le dis c’est une « impression ».
Et peut-on rejeter son immanence sans déformer son amour et, puisqu’il est amour, son être ?
As-tu déjà réfléchi à la chaîne des causes et des effets ? Au mois d’août 1969 la compagnie de lait J.J. Joubert a démoli un de leur bâtiment à Montréal au coin des rues St-André et St-Grégoire. Cet événement a eu des répercussions même jusque dans ta vie. Le 4 août 1969 mon père a eu un accident de moto en empruntant cette intersection, il a heurté un débris de démolition qui avait été laissé au milieu du chemin. Il s’est réveillé un mois plus tard d’un coma pour apprendre que l’ami qui l’accompagnait est mort et que lui-même allait être paralysé de son bras droit pour le restant de ses jours. Plusieurs mois plus tard, il a dû recevoir des traitements de physiothérapie et ma mère venait de terminer son bac en physio et pratiquait à l’hôpital St-Luc. Ils ont commencé à se fréquenter, six mois plus tard ils se sont mariés et 9 ans après je naquis, troisième d’une famille de quatre enfants. Suis-je le fruit du hasard, le résultat d’un gars qui n’a pas fait son travail comme il faut en laissant ce débris au milieu du chemin ou m’a vie était-elle voulue par Dieu ?
Un homme pubère produit 100 millions de spermatozoïdes par jour. Dans une vie il en produira plus de 2500 milliards; pas un ne sera identique. Tu es un sur le lot de la production de ton père. Tu as une chance sur 14 million de gagner au 6/49; c’est peu, mais c’est quand même 178 571 fois plus de chance que de naître (seulement en comptant les spermatozoïde de ton père, nous n’avons pas ajouter ceux de ton grand-père, de ton arrière-grand-père…) Maintenant il fallait aussi que tes deux parents se rencontre et tes 4 grands-parents, tes 8 arrières…, tes 16 arrières-arrières, tes 32… Sachant que chacun n’avait qu’une chance sur 2500 milliards et si un manque à l’appel tu n’es plus là. Ajoute à cela les circonstances qui ont mené à leur rencontre et celles qui ont mené à ce qu’ils copulent le bon soir pour que la chaîne qui a conduit à ton existence ne soit pas brisée ou déviée.
Maintenant si tu assumes les conséquences de ton déisme tu dois admettre que tu es pas mal chanceux ! Mais plus tragique, tu dois admettre que tu n’es que le fruit du hasard. Tu n’as pas été voulu, ni aimé par Dieu. Ta vie n’est qu’une trace insignifiante dans le continuum des événements. Ta présence dans le cosmos n’a aucun sens et tiens uniquement du hasard comme tout le reste. Un hasard bien ordonné. Ton individualité n’a aucune valeur même si toi ou la société lui en attribuez.
Voici ce que moi je crois, exprimé par le prophète David sous l’inspiration du Saint-Esprit:
Comme l’amour de Dieu est bon, comme son immanence et sa providence sont bienfaisants ! Dieu intervient dans l’histoire du monde et dans la vie de chaque homme par une main invisible, plus invisible encore que celle des marchés. Ma vie a un sens parce que j’ai été voulu et aimé de toute éternité et parce que ma vie à un sens je peux aussi le découvrir et non l’inventer. L’homme n’est qu’un second herméneute, tout a déjà été interprété pour lui; l’homme ne donne pas son sens aux choses, il le découvre.
Mais puisqu’il a laissé des traces partout dans l’univers de ce qu’il est et que ces traces sont intelligibles, n’est-ce pas une évidence que notre intelligence peut comprendre Dieu sans nécessairement le comprendre exhaustivement. Si nous le comprenons, pourquoi ne pourrions-nous pas communiquer avec lui ? Ou plutôt lui avec nous ?
La différence entre le mysticisme et la foi dont je parle est que le mysticisme repose sur un musterion (en grec = caché), tandis que la foi repose sur un apocalupsis (en grec = révélé). Pour le chrétien que je suis, une expérience subjective qui n’est pas rattachée à la Parole objective n’a aucune valeur pour déterminer la vérité.
L’expérience subjective que font les chrétiens nés de nouveau correspond à une révélation objective et, qui plus est, cette expérience est la même pour tous. Ceci contribue à la cohésion de la foi chrétienne: tous ont vécu une expérience individuelle, subjective, surnaturelle et en un sens unique, mais cette expérience correspond aux données de la révélation. Je suis grandement étonné, lorsque je lis St-Augustin ou Luther ou n’importe quel chrétien qui suit les Écritures saintes, de constater que les siècles, les lieux et les cultures qui nous séparent ne sont aucun obstacle à la correspondance de notre foi et de l’expérience spirituelle que nous faisons avec Dieu. Ce seul témoignage n’est pas absolument déterminant, mais il est un facteur de plus qui me convainc de l’authenticité de ma connaissance de Dieu par Christ.
Je fus très étonné lorsque j’ai commencé à m’intéresser au débat création/évolution de ce que les tenants du Intelligent Design qui ont élaboré cette approche ne provenaient pas de milieux confessionnels, mais scientifiques, darwinistes et athées. C’est l’étude de la nature qui les a conduit à supposer l’existence et l’intervention d’un Designer Intelligent dans le cosmos (Einstein : un peu de science nous éloigne de Dieu, beaucoup nous y ramène).
Durant le 19e et le 20e siècle il n’y avait que deux facteurs qui étaient pris en considération en biologie et dans d’autres sciences naturelles rattachées à la question de l’origine des espèces. Ces deux facteurs étaient la matière et l’énergie. Un troisième élément ne peut plus être ignoré dorénavant: l’information. Contrairement à ce qu’affirme la propagande médiatique contre le créationnisme, l’ID n’est pas du tout une approche religieuse, mais strictement scientifique; cette approche a des implications métaphysiques, mais il s’agit d’une conséquence et non du point de départ. Les deux films suivant sont fascinants (tu peux les écouter en ligne).
1. Unlocking the Mystery of Life
2. The Privileged Planet
Je suis quand même prêt à défendre cette affirmation pour autant qu’on parle du christianisme biblique. Ce n’est pas par arrogance ou témérité, mais par assurance et conviction que je dis cela. Je sais qu’on rencontre rarement quelqu’un qui prétend connaître la vérité; moi je le prétends et je mourrai avec cette foi et cette assurance.
Peut-être pas pour arriver à vivre civilement (encore qu’il a fallu du temps et l’influence de la révélation), mais comment éviter l’écueil du relativisme moral si le Bien parfait n’est pas préétablie ? Pourquoi même défendre des idées si nous ne pouvons pas comparer les apparences à la réalité (pour emprunter à Platon le monde des Idées) ? Si nous n’avons aucune façon de vérifier si nos idées correspondent ou non aux Idées, comment trouver le BIEN universel ? Il y aura toujours des gens pour dire le contraire, preuve en est ce débat sur l’avortement. Qui a raison et qui a tort ? Ton approche te force a dire : personne n’a raison et personne n’a tort. Peut-être diras-tu, quelqu’un a raison et quelqu’un a tort, mais il est impossible de le vérifier. Alors à quoi bon ?
Et c’est ce que tu as fais avec beaucoup d’efficacité et de clairvoyance; c’est en ce sens la que j’ai dis que ton argumentation a été parfaite.
Je crois néanmoins qu’il y a une faille dans ton système: tu n’as rien d’autre que ton opinion pour asseoir ta prémisse; celle-ci étant que la vie d’un foetus a une valeur avant sa naissance. Comment savoir si cela correspond véritablement et réellement à une Idée ? Par contre, si le monde des Idées est descendu jusqu’à nous et est accessible par les moyens naturels de la raison, ta prémisse n’est plus une opinion, mais le BIEN, absolu, éternel, universel, normatif et incontestable. C’est peut-être pour cette raison que j’ai argumenté sur un ton plus péremptoire que toi dans ce débat, car je crois fermement que ta prémisse est plus qu’une opinion, elle est un absolu objectif révélée par une norme transcendante.
Chère J.Voyelle,
Je trouve que tu me juges sévèrement. Je peux comprendre que tu n’aies pas apprécié que je parle du camp pro-choix comme du « camp adverse » comme s’il s’agissait du « camp ennemi ». Mais je crois qu’il serait naïf de croire que nous ne sommes pas dans des camps opposés et je ne vois pas de mal à vouloir remporter un débat par voie d’arguments intellectuels. Je peux comprendre qu’en « concédant » la victoire à Sylvain je t’ai vexée. Je ne voulais pas dire que les pro-choix n’ont plus aucun argument à faire valoir, mais que l’argumentation de Sylvain, à mon sens, devrait les forcer à admettre ceci:
Je juge que Sylvain a bien démontré que la distinction qui est faite par les pro-choix entre un infanticide et un avortement tardif est une distinction arbitraire. À mes yeux ceci fut la pierre de touche et je ne vois pas du tout comment on pourrait démontrer le contraire. Cela ne signifie pas que les pro-choix soient des monstres sans aucune sensibilité à mes yeux. Mais soit ils n’assument pas pleinement les conséquences de leur raisonnement ou ne les comprennent pas, soit ils les assument et les comprennent et cela m’inquiète, soit ils tombent dans une « approbation tacite ».
Mon silence n’était pas une « tactique » mais bien une reconnaissance de l’inutilité pour moi d’intervenir. De plus, je ne voudrais pas que tu restes avec l’idée que je ne cherche pas à comprendre ton point de vue. J’ai toujours lu avec intérêt tes commentaires, en particulier ceux sur la question de l’avortement. J’ai toujours pris le temps de réfléchir à tes arguments avant de répondre et le débat avec toi m’a même fait nuancer ma position et m’a forcé à beaucoup réfléchir. Je ne crois pas être borné, mais ces échanges ne m’ont pas fait changer d’opinion, je sais mieux que jamais maintenant pourquoi je suis pro-vie.
Bon voyage et reviens-nous en pleine forme pour nous faire bénéficier de ta perspicacité. Que Dieu t’accompagne !
Avant de répondre en profondeur, je précise que je ne conçois pas l’origine de mon individualité comme étant celle d’un des spermatozoïdes de mon père. Je la conçois plutôt quelque part entre ma conception et ma naissance (pour faire un lien avec notre débat sur l’avortement, hehe!). Je me trouve effectivement pas mal chanceux, mais pas pour des considérations mathématiques relatives aux cellules haploïdes. Je me trouve très chanceux simplement parce que je crois que c’est une chance extraordinaire que d’exister.
Le psaume 139 (et plusieurs autres) porte une beauté poétique et une puissance spirituelle qui m’émeuvent. Je m’imagine très facilement comment on peut adhérer à la foi théiste en lisant des passages aussi inspirants. Seulement, en platonicien conséquent, j’estime que la rationalité est supérieure à l’émotivité et qu’elle doit la dominer en maître. Ainsi, en me sentant incité à adhérer à une croyance fondée sur mes émotions, je me méfie. Et tout cet argumentaire que tu me présentes est effectivement émotif: Croire que Dieu est amour et que notre individualité est le fruit de la providence divine est une pensée profondément réconfortante. Si on exclue toute perspective rationnelle et qu’on considère ces deux possibilités d’un point de vue purement émotif: (1) Dieu est un être personnel qui nous aime et nous guide et (2) Dieu est un être impersonnel qui ne se soucie pas de nous, il est clair que la possibilité (1) est nettement plus séduisante. Au sein du combat que nos différents types de pensées mènent dans notre esprit, l’émotion est donc fermement dans le camp du théisme.
Si on se soucie exclusivement de la rationalité, il n’y a aucune raison de croire que Dieu nous aime, ni même qu’il se soucie de nous. Quelle démonstration logique pourrait me faire croire que l’amalgame de plaisir et de souffrance, de sens et d’absurde, de beauté et de laideur qu’est la vie soit le fruit d’un amour divin? Cette pensée est infiniment plus agréable à croire que celle de l’indifférence divine, mais elle n’est aucunement plus vraisemblable.
Je reviens à mon argument de la facilité. Il est beaucoup plus facile de découvrir un sens déjà construit que d’en inventer un; il est beaucoup plus facile d’avoir tout le sens déjà interprété pour nous que d’avoir à l’interpréter par nous-mêmes. Rien n’est aussi facile dans la nature. Conséquemment, j’estime que la rationalité pure milite en faveur de la difficulté: En faveur du déisme.
Ma thèse est justement que nous pouvons comprendre Dieu partiellement: Dans la mesure où notre rationalité peut comprendre la nature. Nous ne pouvons pas communiquer avec lui et il ne peut pas communiquer avec nous car il est impersonnel: La transcendance de son être l’oppose à toute manifestation directe dans la matérialité imparfaite qu’est la réalité concrète.
Cette logique est circulaire. Tu me parlais de l’expérience subjective pour répondre à mon objection qu’aucune religion ne peut démontrer que sa vérité est objective. Tu ne peux donc pas définir cette expérience subjective comme étant rattachée à l’objectivité pour être valable, puisque nous étions justement à débattre que toutes les religions théistes se prétendent objectives sans qu’aucune n’ait de moyen de démontrer son objectivité. Les juifs et les musulmans prétendent que c’est leur prophète à eux qui est objectif, et que l’expérience subjective rattachée au Christ est dans l’erreur. Les chrétiens n’ont pas de moyen rationnel pour démontrer que leur vérité est plus objective que celle des autres.
L’évolution biologique des espèces peut effectivement s’être réalisée selon les plans d’une intelligence divine (ce qui correspond en partie à ma propre croyance); là où je dis qu’une interprétation littérale de la Bible nous mène directement à une fausseté factuelle est lorsque la Genèse dit que la Terre fut créée en six jours.
J’ai ajouté tes deux films dans mes favoris: Je les écouterai éventuellement.
Selon moi, la conviction religieuse relève d’un type de vanité très subtil. La vanité commune est celle des élites sociales: Celle qui s’auto-suffit par le pouvoir exclusif de la richesse ou de la gloire. Je crois qu’il existe une autre vanité, une vanité spirituelle, qui s’auto-suffit par la certitude inébranlable d’avoir trouvé une vérité exclusive. Ce n’est donc pas la qualité de leur personne physique que les religieux place au-dessus de celle des autres: C’est la qualité de leur âme. Ils se définissent en quelque sorte comme l’élite spirituelle. À mon sens, je suis plus chrétien que les chrétiens en évitant ce vice jusque dans ses ramifications les moins suspectées.
Hehe, tu réfères aux concepts de Platon pour amadouer le platonicien que je suis!? D’accord, c’est une démarche honnête. Surtout que le christianisme a intégré plusieurs concepts platoniciens, ou plutôt néoplatoniciens, en constituant son intelligibilité…
En fait, je crois qu’il y a une façon de vérifier si nos idées correspondent aux Idées. Les idées fausses se dissolvent dans le temps, les idées vraies se répercutent dans l’éternité. Si tu as tort, ton œuvre existentielle se désagrégera à mesure qu’elle est confrontée à d’autres forces existentielles. Si tu as raison, ton œuvre existentielle s’exaltera jusqu’à ce qu’elle atteigne l’apothéose. Il n’est pas possible de vérifier la prévalence ultime d’une idée a priori – c’est en ce sens que la perfection n’est pas préétablie – mais la perfection n’est pas inexistante parce qu’elle n’est pas préétablie.
Tu ne crois pas que ton individualité remonte à ta conception; cependant si ça avait été un autre spermatozoïde ou un autre ovule, tu n’aurais pas été une autre personne, mais tu n’aurais pas été point. Puisqu’il y a un lien irréductible entre l’individualité et la conception, les pro-vie sont conséquents en s’opposant à tout avortement. Les probabilités que tu sois étaient d’une chance sur l’infini.
D’une part je ne crois pas que l’ensemble de mon argumentation repose sur l’émotivité. D’autre part je n’estime pas nécessaire d’opposer raison et émotion ni de les séparer radicalement pour parvenir à la vérité. Je crois, avec Platon et toi, que la raison doit être maître de notre épistémologie, mais une raison inexorable est mal éclairée. « Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas. » (Blaise Pascal)
L’être humain forme un tout et son épistémologie ne peut pas disséquer parfaitement entre toutes ses parties. C’est vrai qu’il m’apparaît plus rassurant d’avoir un Dieu au contrôle de l’univers que le néant, mais c’est parce que cela fait plus de sens à ma raison que je crois cela et non simplement parce que mon coeur s’en trouve rassuré. La vérité (car je crois qu’il s’agit de la vérité) satisfait à la fois mon coeur et ma raison.
Mais considérons l’obstacle à ta raison:
Le classique problème du mal donc. Comment maintenir les affirmations suivantes ensemble ? 1. Dieu existe. 2. Dieu est absolument bon et tout-puissant. 3. Le mal existe.
Une solution consiste à nier l’existence de Dieu. Le problème en niant l’existence de Dieu c’est qu’on nie aussi l’existence du mal car il n’y a plus de transcendance pour fonder la métaphysique (je ne développerai pas ce point, car tu n’es pas athée).
La solution déiste consiste à séparer Dieu d’avec notre réalité. Nous sommes toujours pris avec le problème du mal, mais ce n’est plus le problème de Dieu. C’est un risque que quelques uns prennent en supposant qu’il n’y a pas de conséquences éternelles au mal tout en n’ayant pas de réelles solution contre le mal et en ignorant sa cause fondamentale. On vit avec, c’est tout; réalisme, existentialisme.
La solution biblique maintenant. Il semble impossible de maintenir les trois affirmations de départ: soit Dieu n’est pas ; soit Dieu est mais il n’est pas bon et/ou tout-puissant ; soit Dieu est bon et tout-puissant, mais le mal n’est pas vraiment mal. Dans les trois cas nous rationalisons Dieu ou le mal. La solution biblique ne consiste pas à rationaliser l’un ou l’autre car l’Écriture rejette la prétention de Protagoras (homo mensuras). Qu’est-ce qui nous dit que tout doit se conformer à la raison humaine ? Et si un problème transcendait la raison de l’homme, le rationaliser serait une grave erreur qui placerait l’homme sur une fausse piste (l’athéisme et le déisme sont deux formes de rationalisme). Dieu dit:
L’Écriture nous dit que le mal est mal, totalement et absolument. Il peut avoir un effet pédagogique, mais en lui-même le mal est mal. Ensuite l’Écriture ne tient pas Dieu responsable pour l’existence du mal. Le mal fait partie du plan divin, mais Dieu n’est pas l’auteur du mal. L’origine historique du mal est un mystère opaque, mais son origine parmi les hommes remonte à la chute et son organe de propagation dans le monde c’est l’homme. Il y a de l’injustice, de la violence et de la méchanceté dans le monde parce que l’homme est injuste, violent et méchant à cause du péché qui est en lui. « Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Rm 3.23) »
En même temps l’Écriture affirme que Dieu existe et qu’il est opposé au mal. Nous nous regardons au mal dans une perspective temporelle et nous ne comprenons pas pourquoi Dieu n’intervient pas maintenant contre le mal. Dieu regarde au mal dans une perspective éternelle et atemporelle. L’intervention de Dieu contre le mal se fait en deux temps. Il est intervenu une première fois contre le mal il y a bientôt deux mille ans à la croix du calvaire. Dieu a puni les crimes et les injustices des hommes sur Christ, de sorte qu’Il peut nous pardonner sans être injuste en nous justifiant:
Le mal qui t’empêchait de voir l’amour de Dieu dans le monde est devenu l’évidence de l’amour de Dieu. La croix est l’événement central dans l’histoire de l’humanité où sont réconciliés l’amour et la justice de Dieu. Cet événement a été annoncé depuis la Genèse (Gn 3.15), puis par de nombreux prophètes (Ps 22 ; 69 ; És 53 ; Za 12.10). La croix manifeste la sagesse de Dieu; elle est sa réponse à l’humanité pécheresse.
Mais plusieurs rejettent la croix:
Dieu rétablira définitivement toute justice à la fin lorsqu’il jugera le monde: » Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu’il aura fait, étant dans son corps. (2 Co 5.10) »
Tu peux ne pas aimer cette solution et considérer que la croix est une folie. Mais tu dois admettre que l’Écriture prend au sérieux le problème du mal, lui donne explication suffisante et le règle définitivement. Il me semble donc que la Parole de Dieu donne suffisamment d’éclaircissements pour renverser les raisonnements logiques qui t’obligeaient à rejeter l’immanence de Dieu à cause du mal dans le monde. N’oublie pas également que le mal est aussi dans la pensée de l’homme et l’empêche de voir resplendir « la splendeur de l’Évangile de la gloire de Christ, qui est l’image de Dieu. (2 Co 4.4) »
Je ne sais pas à quel point c’est beaucoup plus facile. Cela me semble beaucoup plus facile d’établir sa propre norme que de se soumettre à une norme préétablie…
Je comprends néanmoins ce que tu veux dire, mais ce genre d’arguments n’est pas décisif. Admettons que ce soit plus facile de connaître la vérité parce qu’elle nous serait révélée par Dieu; il n’en demeure pas moins que la difficulté n’est pas une exigence pour aboutir à la vérité. Et si Dieu s’est révélé, comme je le crois, il faut quand même utiliser sa raison avec beaucoup d’effort pour comprendre et appliquer sa révélation. La révélation n’évacue pas la difficulté, mais elle guide la raison au travers d’un monde confus par le péché.
Mais lorsque je disais que tout a déjà été interprété pour l’homme je parlais de manière beaucoup plus général. Cela est une évidence que le monde a déjà un sens indépendamment de l’opinion de l’homme. L’homme n’a pas inventé que 2 et 2 font 4, il l’a découvert. L’homme n’a pas inventé la loi de la gravité, ou la thermodynamique, ou la loi de Coulomb; il découvre le sens qui est déjà donné à chaque chose. Pourquoi la destinée de l’homme ferait exception à cette règle ?
Je ne prétends pas que je peux démontrer objectivement à un incroyant la véracité du christianisme pour qu’il puisse ensuite y adhérer. Je ne pense pas qu’on vienne à la foi par voie d’argumentation, car on ne décide pas de croire. On vient à la foi par la proclamation de l’Évangile, puis Dieu suscite la foi dans le coeur de ceux qui l’entendent (Rm 10.17).
L’homme se croit maître de son destin, mais c’est une illusion. Si tu es maître de ton destin tu pourrais décider de devenir athée ou théiste, or tu ne le peux pas. C’est pourquoi la foi est une grâce et un don.
Par contre, je crois que ceux qui attaquent le christianisme en disant qu’il est irrationnel, qu’il n’a aucune objectivité, etc. font erreur. Le Christianisme repose sur une révélation objective qui prétend être la vérité. Cette révélation se tient en elle-même et je crois qu’elle est infaillible. Cependant aucun homme ne peut en être persuadé à moins de faire l’expérience subjective que cette révélation est la Parole de Dieu. Cette expérience s’appelle la conversion, elle arrive lorsque l’Esprit de Dieu régénère la pensée de l’homme de sorte que l’homme comprend alors la vérité d’une manière surnaturelle et subjective, mais à partir d’une source objective. Je ne peux pas te convaincre d’une manière irrésistible que la Bible est la vérité, mais je crois pouvoir répondre à tous tes arguments qui tenteraient de renverser cela. À la fin tu ne serais pas nécessairement plus convaincu, mais j’aurais donné suffisamment de raison pour justifier ma foi en la Parole de Dieu. Cela ne serait pas une preuve scientifique qu’elle est véritablement la Parole de Dieu, mais personne ne pourrait démontrer le contraire (le contraire serait démontrable si on y trouvait une faille, je te mets donc au défi…) Je n’ai pas besoin d’une preuve scientifique pour croire en Dieu et le connaître parce que je sais que Dieu transcende les preuves scientifiques. Il n’est pas connaissable par ce moyen naturel, mais par une foi vivante.
Selon l’Écriture, la raison pour laquelle tu ne crois pas est bien simple, c’est parce que tu ne connais pas Dieu. Tu ne connais pas Dieu parce que tu es spirituellement mort dans ton péché (j’imagine que tu admets que tu es pécheur, quelles en sont les conséquences d’après toi ?). Tu connaîtrais Dieu et tu croirais en lui si tu naissais de nouveau et que l’Esprit saint te régénérerait en entendant l’Évangile. Autrement tu peux seulement te fabriquer un dieu qui correspond aux exigences de ta raison et aux penchants de ton coeur. En ce moment tu exiges de comprendre pour croire (Pierre Abélard), mais l’ordre sotériologique consiste à croire pour comprendre (Anselm de Canterbury). Tu es cependant dans la servitude, car tu ne peux pas décider de croire; tu es esclave tu péché qui t’empêche de croire et te conduit dans un faux raisonnement. Ton seul espoir c’est la grâce de Dieu: « Je crois ! viens au secours de mon incrédulité ! (Marc 9.24) »
Maintenant explique moi ceci. Tu dis:
Ceci est clairement de l’immanence divine. Mais auparavant tu as écrit:
Dieu intervient-il ou n’intervient-il pas dans la réalité matérielle ? Serais-tu un déiste partiel, pour ne pas dire arbitraire ? Tu acceptes son intervention lorsque les traces de son intelligence sont évidentes sous nos microscopes ou devant nos télescopes, mais tu rejettes toute possibilité d’intervention lorsqu’on en arrive à une révélation historico-rédemptive. Si Dieu se soucie du corps des hommes, ne peut-il pas se soucier de leur âme ? Si Dieu guide la vie sur terre, ne peut-il pas la guider aussi vers l’éternité ?
En quoi un Dieu d’amour est une croyance plus rationnelle qu’un Dieu indifférent? Quelle raison y-a-il de croire que Dieu est actif à chaque instant plutôt qu’inactif depuis la création de l’existence? D’ailleurs, tes arguments ultérieurs invoquent plutôt une foi extra-rationnelle: Il faudrait croire pour comprendre plutôt que comprendre pour croire. Cet argument est valable: Tu peux arguer que la foi ne s’acquiert pas par la raison, mais tu ne peux pas arguer en même temps que ta foi est rationnelle. Tu ne peux pas avoir le beurre et l’argent du beurre: Ce serait trop facile! Si tu penses que ta foi est rationnelle, c’est soit parce que ta raison s’est laissée séduire par tes émotions, soit parce qu’elle s’est laissée transformer par ta foi. Dans un cas comme dans l’autre, la raison que Dieu t’a donnée dans son état pur ne fut pas le guide principal de ta spiritualité. Tu as adhéré à une foi au moins en partie par désir de confort spirituel plutôt que par une pure recherche de vérité.
Tu dis qu’il n’est pas nécessaire de séparer raison et émotion radicalement pour parvenir à la vérité. Mon argumentaire est au contraire qu’une vérité à laquelle on aboutit suite à une démarche qui entremêle raison et émotion sera une vérité partielle parce que seule la raison cherche la vérité alors que l’émotion cherche la sécurité et le confort. Je ne t’accuse pas d’être bêtement irrationnel; seuls les superstitieux et les tenants des spiritualités New Age sont carrément irrationnels. Ma critique du théisme est plutôt un manque de vigilance à l’égard des séductions spirituelles qui s’exercent sur notre émotivité. Ainsi, vous acceptez facilement de vous écarter des pensées proprement rationnelles pour adopter des pensées plus rassurantes.
C’est ici que se situe la distinction fondamentale entre le théisme et le déisme. Là où l’athée rejette Dieu, le théiste rejette le rationalisme. Le déiste ne rejette ni l’un ni l’autre. L’homme n’a pas à se croire la mesure de toute chose pour s’abstenir de croire quelque chose qu’il ne comprend pas… Je suis d’accord avec toi qu’il ne faut pas limiter nos croyances à ce qui est démontré scientifiquement car c’est une limite grossière pour notre esprit, mais cette opinion ne signifie pas automatiquement que la vérité que notre expérience subjective nous a porté à croire est absolue et exclusive. Au contraire, il me semble qu’un rejet conséquent de la prétention de Protagoras impliquerait plutôt une certaine déférence intellectuelle et spirituelle face à la vérité objective puisque celle-ci nous dépasse. Le théisme m’apparaît comme un raccourci pour revenir exactement au point où l’homme est la mesure de toute chose à travers le truchement de ce qu’on croit être une révélation divine: Ainsi, on peut se croire détenteur de la vérité absolue sans afficher la prétention explicite d’être la mesure de toute chose.
Ce n’est pas rationnel. Si Dieu est le maître de l’existence, il est l’auteur de tout ce qui existe. S’il n’est pas l’auteur de quelque chose, c’est qu’il y a une part de l’existence qui échappe à son contrôle. Ici encore, la solution biblique au problème du mal est une échappatoire contre la rationalité.
Tu fais l’équation entre ne pas aimer cette solution et la considérer comme une folie; ce n’est pas le cas! J’adore cette solution… Mais elle me semble folle! Comme les dépendants affectifs se refusent de croire que la personne qu’ils aiment ne leur rend pas leur amour, les théistes refusent de croire que l’amour que nous portons à Dieu est unilatéral. C’est pourquoi ils commencent par amoindrir l’importance de la raison et s’adonnent ensuite à des acrobaties intellectuelles pour combler la part de raison qu’il leur reste. Ainsi, il devient possible de croire que Dieu nous aime malgré le mal qu’il nous impose.
Si Dieu aime celui qui se suicide par désespoir, je peux bien me passer de cet amour…
En effet, mais je ne prétends pas que mon argumentaire est décisif. Contrairement à toi, je n’ai pas la certitude que ma croyance est une vérité absolue. J’y crois simplement car elle est celle qui me semble la plus plausible.
Ce que je constate d’un point de vue rationnel, c’est que plus on investit d’efforts pour comprendre la nature, mieux on la comprend. Dieu ayant créé la nature, une croyance qui exige beaucoup d’efforts est plus vraisemblable qu’une croyance qui en exige peu.
Oh, je ne prétends pas que « toute » difficulté est évacuée. Je dis seulement qu’une large part de la difficulté est évacuée. Plus besoin de d’analyser toutes les possibilités, plus besoin de remises en question radicales, plus besoin de considérer les dangers d’une erreur catégorique: Nous avons une révélation divine qui fixe les grandes lignes! Il est clair que la révélation ne règle pas tous les problèmes en détail, mais elle fait une grande partie du travail. Est-ce le courage ou la paresse qui aspire à minimiser son travail?
En effet, Dieu a déjà fixé toutes les lois existentielles. Par contre, il n’en a révélé aucune. Les lois scientifiques peuvent être découvertes par la méthode scientifique mais, les lois philosophiques et morale n’étant pas vérifiables par la méthode scientifique, il faut les vérifier par l’expérience existentielle elle-même. Il faut donc les « inventer » pour les tester. Je suis d’accord que, au fond, on les découvre parce que la perfection est préexistante. Mais je reviens à la distinction entre une perfection préexistante et une perfection préétablie: Puisqu’on ne peut pas la connaître a priori, il faut l’inventer dans l’espoir de s’en rapprocher.
C’est une affirmation très déterministe. Pourtant, il me semble que le christianisme fait l’apologie du libre-arbitre. Si la foi est bonne et que la vanité est mal, comment peut-on ne pas être libre de décider si on est athée ou théiste? Dieu nous crée mauvais, puis il nous punit parce que nous sommes mauvais? Quel beau Dieu d’amour…
Les juifs et les musulmans me disent exactement la même chose. Pourtant, vos vérités sont exclusives…
Je ne diabolise pas le péché comme le font les théistes. Le péché est le mal, mais c’est l’ensemble des actes d’une personne qui constitue sa valeur morale. Je ne crois pas que notre âme est anéantie parce que nous péchons occasionnellement. Si notre vie est généralement guidée par le péché, je crois que notre âme est corrompue. Mais sur cette question encore, je ne parle pas en termes d’absolu. Notre âme sera plus ou moins corrompue dans la mesure où nous serons plus ou moins pécheurs. Rien dans le monde naturel n’est absolu, pourquoi le monde spirituel serait-il constitué d’absolus?
Il n’intervient pas. Quand je dis que l’évolution des espèces peut s’être réalisée selon les plans d’une intelligence divine – et que ma croyance correspond en partie à cela – c’est que Dieu a fixé les lois naturelles et que la sélection des espèces s’est réalisée selon les lois naturelles. Il s’agit donc d’un effet indirect de la volonté de Dieu, ce n’est pas une manifestation directe de Dieu: Dieu n’est pas apparu pour dire « Espèces, évoluez ainsi! ».
Je n’ai pas dit que c’était plus rationnel, mais que c’est tout autant rationnel de le croire et que le problème du mal ne pose aucun problème à croire en un Dieu d’amour…
Je préfère employé le préfixe supra ou hyper (au-dessus) que le préfixe extra (hors de) pour qualifier la foi. De plus, beaucoup d’éléments de la foi sont simplement rationnels, mais certains aspects sont au-dessus de la simple raison. Extra-rationnelle signifierait que la foi, pour fonctionner, devrait croire des éléments qui n’ont pas été révélés. Supra-rationnelle signifie que la foi reçoit des éléments plus grands que la raison; ex: Dieu n’a pas de commencement ni de fin; cette affirmation biblique n’est pas irrationnelle, mais supra-rationelle.
Lorsque je dis que la foi ne s’acquiert pas par la raison je n’affirme pas que la raison n’est pas impliquée dans le processus de foi, au contraire. Ce que je veux dire c’est que la foi n’est pas simplement une chose à laquelle on adhère par un processus rationnel. La foi est une expérience vivante avec le Dieu vivant, cette expérience ne peut être produite par une décision humaine, mais uniquement par une intervention divine. On ne peut comprendre la vérité avant d’avoir fait cette expérience, mais une fois que la foi a régénéré le coeur et l’esprit on comprend la vérité. L’apôtre explique cela dans la première épître aux Corinthiens au chapitre 2:
J’ai vécu cette transformation avant même de comprendre ce qui se passait en moi. Il y a un élément que tu ne prends pas en considération dans ton épistémologie: ta condition spirituelle. Tu supposes que tu peux arriver à la connaissance de la vérité par la simple raison. Ce serait le cas si tu n’avais pas de péché. Le péché est une pollution qui a des effets noétiques dévastateurs. Ce qui t’empêche de voir le royaume de Dieu en ce moment ce n’est pas un manque d’intelligence, mais ta condition spirituelle: l’Homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit, et il ne peut les connaître à moins de devenir spirituel. Devenir spirituel signifie naître de l’Esprit. Une fois né de l’Esprit, tu vois le royaume de Dieu, tu comprends la vérité et tu vois que le monde entier est dans les ténèbres. Pour faire une comparaison, c’est comme dans la Matrice, avant de prendre la pilule de la vérité tu es dans la Matrice, mais tu demeures dans l’ignorance. Une fois sortie de la Matrice la réalité devient claire… Ce n’est pas simplement une affaire de compréhension rationnelle, mais d’état : l’un est esclave, l’autre est affranchi…
Je suis sorti de la Matrice. J’étais auparavant dans le monde, aveuglé par le péché, ignorant de la vérité, je ne connaissais pas Dieu. Je n’ai pas simplement adhéré à une religion qui avait du sens à mes yeux; j’ai rencontré Dieu en Jésus-Christ et je suis devenu une nouvelle créature:
Quand je dis que tu dois croire pour comprendre, ce que je veux dire c’est que tu ne sauras pas que ceci est la vérité tant que ta conception restera au niveau théorique et intellectuel. Le christianisme n’est pas simplement un système religieux auquel on adhère parce que la raison a été convaincue, mais c’est une foi vivante par laquelle notre condition spirituelle passe de morte à vivante et notre intelligence est renouvelée pour comprendre la vérité.
Il y a donc une dimension éthique à la connaissance que le déisme ne prend pas en compte. Pour connaître Dieu, il faut passer par la repentance de ses péchés et la foi en Christ qui a payé le prix. Sans cette conversion ta condition spirituelle t’empêche de connaître la vérité, peu importe ta perspicacité et la profondeur de ton intelligence.
Tu doutes peut-être de la véracité de que ce que je te dis… Je ne peux rien faire de plus que de te donner mon témoignage en t’attestant que ces choses sont vraies, c’est exactement ce qui m’est arrivé. C’est aussi ce qui est arrivé à Paul sur le chemin de Damas et à Augustin sous son arbre lorsqu’il est né de nouveau en lisant Rm 13.14. Mais tu n’as aucune façon de le vérifier; tout ce que tu as ce sont les témoignages. Les apôtres ont rendu témoignage de ce qu’ils ont vu et entendu, et ils ont attesté que Christ est ressuscité des morts. Tu sais quel est le mot témoins en grec ? Il s’agit du mot martus, qui a donné martyr en français. Pour attester au monde entier que Christ est ressuscité des morts et que par lui les hommes peuvent être sauvés, ils ont accepté de témoigner jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de martyrs. Pourquoi ? « Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. (Jn 20.31) »
Ton erreur, à mon sens, c’est d’avoir érigé ta raison en maître absolu et de croire qu’il ne te faut que celle-ci pour arriver à connaître la vérité. Tu oublies que tu es mort dans ton péché et que tu dois naître de nouveau pour connaître la vérité. Cette dimension éthique et cette condition spirituelle sont essentielles. Ce n’est pas lorsque tu comprendras que tu croiras, mais lorsque tu croiras que tu comprendras. Croire ce n’est pas renoncer à la raison, mais c’est naître de nouveau. Tu n’as pas décidé de naître et tu ne peux pas non plus décider de naître de nouveau; c’est un don, c’est une grâce.
Pourquoi crois-tu au Soleil ? Est-ce que c’est parce que ça fait du sens qu’une énorme boule de feu flotte dans le ciel, sans support, elle brule depuis des milliers d’années sans jamais s’éteindre, elle illumine le monde et le chauffe parfaitement… Tu crois au Soleil parce que tu en fais l’expérience quotidiennement, puis par la suite tout le reste a du sens pour ta raison. Lorsque par le Christ tu feras l’expérience de Dieu, de son royaume, de son Esprit, de la vérité; ta raison ne sera plus devant des obstacles épistémologiques, mais tout sera dans une harmonie parfaite…
Tu as dit que les musulmans, les juifs, etc. affirment la même chose. Je ne crois pas qu’ils affirment la même chose. Je n’ai jamais entendu parler de la conversion, de la régénération et d’une relation avec Dieu dans ces termes ailleurs qu’en Jésus-Christ.
J’avais bien saisi cette nuance, et j’ai fait exprès d’utiliser le terme « extra-rationnel » 😉 C’est la différence de notre rapport avec la rationalité. Pour un athée, la croyance en Dieu est irrationnelle. Pour un déiste, la croyance en Dieu est extra-rationnelle. À te lire, je crois que je comprends en quoi la croyance en Dieu est supra-rationnelle pour un théiste.
Pour un athée, la raison s’impose à la foi. C’est-à-dire que ses conclusions rationnelles lui interdisent d’avoir la foi. Pour toi, la foi s’impose à la raison. C’est-à-dire que ta foi modifie les conclusions de ta raison en apportant une « nouvelle » raison. Pour moi, il s’agit de types de pensée distincts. La foi a pour vocation de se donner la volonté de vivre en définissant le sens de notre vie; la raison a pour vocation de comprendre le Bien et d’organiser notre vie en conséquence. Aucune ne s’impose à l’autre car leurs vocations sont interconnectées mais elles ne sont pas interposées. Ainsi, il n’y a pas d’hiérarchie verticale entre elles mais seulement un rapport horizontal.
À mes yeux, lorsque les théistes laissent leur foi modifier leurs conclusions rationnelles, ils font le même type d’erreur que les athées qui laissent leur rationalité bâillonner leur foi: Ils méprennent la vocation d’un type de pensée. En d’autres mots, je ne crois pas en la supra-rationalité. Ou encore, si elle existe, elle n’est aucunement accessible à l’esprit humain. Par définition, ce qui est accessible à la rationalité humain est rationnel, pas supra-rationnel. Une croyance en la supra-rationalité est une distorsion de la rationalité naturelle: De la seule rationalité pure.
Une chose est certaine: L’un de nous vit dans un monde illusoire. Chacun croit que c’est l’autre. Je crois que la religion est une pilule qui embellit illusoirement notre appréhension de l’existence: Une drogue spirituelle. Quand tu me parles d’une rencontre personnelle avec le Dieu vivant, je ne peux pas cesser de faire le parallèle avec une transe mystique qui donne une puissante impression de vérité sans aucune garantie rationnelle de vérité… Le risque d’erreur me semble très grand justement parce l’esprit est alors obnubilé par des sentiments qui ne sont aucunement dominés par la recherche de vérité – la recherche de sécurité émotive étant selon moi prédominante dans la nécessité d’une révélation surnaturelle d’un Dieu d’amour.
Je crois que l’éthique est un effet de la croyance spirituelle, elle ne peut donc pas en être le fondement. Je ne définis pas Dieu en fonction de ce que je crois être le Bien: je définis le Bien en fonction de ce que je crois être Dieu.
Nous abordons le rapport à l’absolu; l’harmonie spirituelle parfaite. Ton analogie avec le Soleil est très bonne, et je vais y réfléchir durant un bon moment encore. Je me permets néanmoins de t’exprimer mon opinion actuelle par rapport à cette analogie.
Je crois que ton analogie est effectivement bonne pour faire comprendre la croyance en Dieu; elle me sera pertinente pour expliquer mon déisme aux athées. Par contre, dans un débat entre le déisme et le théisme, l’analogie me semble favoriser le déisme. En effet, le Soleil, malgré notre incrédulité quant aux factualités scientifiques de son être, est clair et évident pour tous les êtres humains de la Terre. S’il y a des êtres vivants dans d’autres systèmes solaires, son existence ne leur est pas particulièrement pertinente. Le Soleil n’est donc pas absolu: Il est relatif aux êtres qui sont en contact avec lui. C’est ainsi que je conçois toutes les religions comme étant relatives, puisqu’elles ne sont pas en contact avec toute l’existence. Dieu est absolu, mais les religions ne le sont pas. C’est pourquoi les religions orientales, même si elles me semblent plus faibles d’un point de vue éthique, me semblent plus sages d’un point de vue spirituel puisqu’elles sont conscientes de leur relativité face à l’univers. Je crois que, dans un sens, l’aspiration du déisme est de concilier la puissance éthique des religions abrahamiques (théistes) à la sagesse spirituelle des religions orientales (panthéistes). Les théistes veulent atteindre l’absolu personnellement sans trop se soucier de sa profondeur, les panthéistes reconnaissent toute la profondeur de l’absolu mais ne sont pas tellement zélés dans leur poursuite personnelle. Les déistes tentent d’être aussi zélés que possible pour atteindre personnellement un absolu aussi profond que possible.
J’avais écrit un long message en réponse, mais il est effacé…
Salut Sylvain
Comment sais-tu que foi et raison fonctionnent ainsi ? Tu es plus à l’aise avec cette approche, mais qui décide la vocation de l’un et de l’autre ?
Je suis d’accord qu’il ne doit pas y avoir d’opposition entre raison et foi, mais l’impression que j’ai est que le déisme les sépare. Tu dis qu’elles sont interconnectées, mais je ne vois pas comment (pour le déisme)… Pour ma part je place un ordre « subordinationnel » entre les deux simplement parce qu’il me semble évident que la foi peut aller au-delà de la raison. Je ne crois pas pour autant que cette approche soit fidéiste, car je comprends tout ce qui est compréhensible dans ma foi (puisque tout n’est pas supra-rationnel dans la foi) et je crois qu’elle n’a rien d’irrationnel; en même temps ma raison est transcendée par ma foi qui peut se confier en Dieu même si je ne l’ai jamais vu ni entendu. Ma croyance ou ma religion est donc rationnelle et supra-rationnelle à la fois. Cet ordre n’est pas une façon de limiter ou d’endiguer la raison, mais de l’élever à un niveau supérieur qui ne lui est accessible que par la foi.
Foi et raison ne m’apparaissent pas simplement être deux catégories distinctes, mais bien deux organes complémentaires comme le bras et la main ou la jambe et le pied ou encore l’ouïe et la vue; il n’y a qu’un corps, mais plusieurs membres; une vie mais plusieurs fonction. L’athéisme s’ampute; le déisme est dichotome; mais le théisme est un corps en harmonie…
Je te semble modifier les conclusions rationnellement recevables et tu me sembles limiter à la raison naturelle l’existence connaissable. Nous revenons au point de départ: y a-t-il quoique ce soit de plus grand que la raison et la nature ? Tu le crois, mais tu refuses que cette chose soit entrée en contact avec notre réalité. C’est ici que nos chemins se séparent: je crois à la révélation, tu n’y crois pas; la révélation d’un Dieu transcendant m’apparaît possible car il est omnipotent, tandis que cela t’apparaît impossible. Tu affirmes que même si Dieu s’était révélé, la raison ne pourrait y avoir accès, car elle n’aurait aucun point de contact. J’affirme que son point de contact fondamental est la foi tout en maintenant que Dieu s’est révélé de manière rationnelle par des mots intelligibles ordonnés dans des propositions.
Je ne peux me résoudre à voir le déisme autrement qu’un refus arbitraire de la révélation (ou de la possibilité d’une révélation) à cause d’exigences rationnelles préétablies auxquelles devraient se conformer Dieu et toute la réalité. Mon père a une analogie toute simple pour expliquer ça: lorsque tu vas voir le banquier pour lui emprunter de l’argent, c’est lui et non pas toi qui fixera les termes du prêts, si tu refuses ces termes tu n’auras pas son argent. Dieu est le grand banquier et personne ne peut lui dire ce qu’il peut faire ou ce qu’il ne peut pas faire. Et si Dieu a voulu prendre une forme humaine et venir parmi les hommes pour se faire connaître à eux et accomplir leur rédemption en mourrant pour payer le prix de leurs fautes, qui osera contester avec Lui ? Si tu rejettes délibérément le moyen que Dieu a donné pour se faire connaître, quel espoir te reste-t-il ?
L’opus probandi est sur toi. Peux-tu démontrer que ce que tu dis est exact ? Une distorsion de la rationalité est forcément de l’irrationalité; or je prétends que certains éléments de la foi transcendent forcément la simple rationalité tout en n’étant pas irrationnels.
Par exemple je crois à la résurrection du Christ. Ce n’est pas rationnel de croire qu’un mort ressuscite, car ceci est contraire à toutes les lois naturelles. Par contre je suis ouvert au surnaturel et ma raison ne peut expliquer autrement le témoignage des apôtres et des témoins de la résurrection que par l’historicité de la résurrection. Les athées cherchent des explications naturelles pour expliquer les affirmations apostoliques (ex: Jésus n’était pas mort, ou les apôtres ont menti, etc.). Les déistes séparent le message de la foi de la réalité historique: Christ est ressuscité dans l’esprit de ses disciples, dans leur foi; mais historiquement Christ n’est pas ressuscité, car cela est impossible. Les chrétiens croient que Dieu a ressuscité Christ d’entre les morts et qu’en lui ils ont la vie éternelle.
Cette croyance serait impossible à recevoir pour la raison seule. Mais supposons que Christ est vraiment ressuscité; comment la raison pourrait-elle recevoir une telle donnée ? C’est maintenant que la foi intervient pour recevoir une donnée supra-rationnelle. Sans la foi, la raison modifie forcément la réalité historique (en supposant que Christ est vraiment ressuscité). Avec la foi la raison est « modifiée », non pas contre sa nature, mais afin qu’elle soit élargie pour faire place à la vérité qui la dépasse. Cela est-il irrationnel, rationnel ou supra-rationnel ?
Maintenant, comment expliques-tu qu’une poignée d’hommes, auparavant désespérés que leur maître avait été crucifié, aient subitement et radicalement changé de discours et, remplis de courage et d’autorité, ont attesté que leur maître est ressuscité ? Ils ont étayé leurs dires par des écrits ayant précédé les événements des siècles auparavant. Des miracles leur sont attribués comme approbation divine de leur témoignage (il ne fallait pas moins pour les croire). En quelques décennies ils ont complètement bouleversé le monde, pour obtenir ni richesse, ni puissance, mais la mort comme martyrs (témoins) à cause de leur témoignage.
Je crois le témoignage des apôtres et en croyant j’ai reçu la vie éternelle; en croyant j’ai connu Dieu par Christ, je suis né de nouveau, je suis devenu une nouvelle créature; ma vie a recommencé; exactement comme l’Écriture l’enseigne. Qui pourrait me persuader que l’Écriture dit faux ?
Comme tu as raison ! Nous sommes tous les deux conscients de nos présupposés et nous assumons les conséquences de nos croyances que nous intégrons et défendons de manière cohérente, de sorte qu’il ne semble pas y avoir de faille apparente dans nos systèmes. Nos croyances sont cependant mutuellement exclusives. La question est donc: qui a raison ? Lequel de nous deux a les bons présupposés ?
Cela revient un peu au pari de Pascal: on ne perd rien à croire en Dieu. Si tu as raison et que j’ai tort il y a peu ou pas de conséquences pour moi. Si j’ai raison et que tu as tort tu feras face au jugement de Dieu sans Jésus-Christ pour ton salut… L’un de nous deux à plus avantage que l’autre à se remettre en question, même s’il est confortable avec sa croyance qui lui apparaît raisonnable et cohérente. Le bénéfice du doute sera-t-il suffisant ?
J’ai le même sentiment que toi lorsque je parle avec des mystiques ou des charismatiques évangéliques… L’expérience surnaturelle de conversion et de nouvelle naissance n’est pas débridée pour se perdre dans l’infini. Cette expérience est clairement définie et normalisée dans l’Écriture sainte. Ce qui m’a frappé fut de constater ma conversion correspondait aux données de la révélation avant même que je prenne conscience de ces données (je n’ai pu consciemment ou inconsciemment la faire correspondre : lorsque j’ai cru l’Évangile, il m’est arrivé ce que l’Écriture dit qu’il arrive à ceux qui croient avant même que je ne connaisse l’Écriture). Il y a un consensus parmi les théologiens bibliques sur ce qu’est une expérience spirituelle authentique, ou plutôt orthodoxe (car certaines expériences peuvent être diaboliques ou démoniaques tout en étant réelles). On peut donc vérifier objectivement cette rencontre avec le Dieu vivant. Cependant, avant de naître de nouveau, tout se passe de l’extérieur… Jésus explique ceci à ses disciples lorsqu’ils le questionnent sur la raison de ses enseignements en parabole:
Paul décrit la même réalité en écrivant:
Dans quelle condition spirituelle es-tu Sylvain ? Et si tu étais mort spirituellement, comment le saurais-tu ? Puisses-tu croire et avoir la vie !
Je fais la même chose, mais à partir d’une révélation… Mais lorsque j’ai parlé de la dimension éthique dans la connaissance je voulais parler de la condition spirituelle du l’homme due au péché. Tu reconnais que tous les hommes pèchent, c’est à dire qu’ils vont contre le BIEN préexistant et absolu. Y a-t-il des conséquences au péché ? Nous en voyons beaucoup dans le monde (souffrance, injustice, querelles, guerres, divorce, abus, etc. etc.). La conséquence ultime, d’après la Bible, c’est la mort: Le salaire du péché c’est la mort (Rm 6.23).
Qu’est-ce que la mort ? C’est au moins trois chose: premièrement la mort spirituelle qui fait en sorte que les hommes ne connaissent pas Dieu jusqu’à ce qu’ils se soient régénérés, se repentent et croient. La mort spirituelle est la cause radicale de la dépravation dans le monde: les hommes pèchent parce qu’ils ne connaissent pas Dieu et sont dans les ténèbres… Ensuite il y a la mort physique. Nous sommes mortels depuis que nous sommes pécheurs. Et finalement il y a la seconde mort ou la mort éternelle; plus de réconciliation avec Dieu…
Il y a donc, selon l’enseignement biblique, des conséquences épistémologiques au péché. Le péché affecte la raison, les affections et la volonté. Le noûs de l’homme est déréglé, l’homme ne pense plus comme il faut; sa pensée est obscurcie. C’est ce que je voulais dire par la dimension éthique de la connaissance.
Bonjour R.B.
Je ne suis pas d’accord que la foi puisse aller « au-delà » de la raison, parce que leurs vocations sont différentes. En laissant la foi modifier nos conclusions rationnelles, on se trompe d’organe comme si on tentait d’entendre quelque chose avec nos yeux. La foi et la raison sont interconnectées car elles ont toutes deux pour vocation de répondre à des questionnements essentiels, mais pas aux mêmes questionnements (elles ne sont donc pas interposées).
Je limite effectivement l’existence connaissable à la raison naturelle. Si tu me disais que Dieu est un immense papillon éthéré qui apparaît sporadiquement à des prophètes, je ne le croirais pas car c’est une thèse surnaturelle, donc extra-rationnelle. La thèse chrétienne est moins loufoque que celle du Dieu-papillon mais elle n’est pas plus plausible pour autant: L’une comme l’autre invoque un surnaturel qui ne peut être compris que si on compromet la raison naturelle.
Mais si le banquier me demande de lui procurer des photos de femmes nues pour qu’il m’accorde mon prêt, je dirai qu’il n’est pas un banquier mais un proxénète. De même, si Dieu se présente sous des traits non-divins, je dirai qu’il n’est pas Dieu mais une invention des hommes. À mes yeux, le Dieu théiste est un hybride entre un dieu et un humain; ce Dieu a des traits divins autant que des traits humains. Par contraste, le Dieu déiste a seulement des traits divins.
Pourquoi l’opus probandi serait sur celui qui croit aux lois naturelles que l’on peut démontrer et vérifier à tout moment plutôt que sur celui qui croit aux miracles surnaturels qui ne sont démontrables que par des témoignages ancestraux? Pourquoi l’opus probandi serait sur celui qui croit que nous avons accès à une vérité relative et imparfaite plutôt que sur celui qui croit que nous avons accès à une vérité absolue et parfaite?
Je dis que la raison est la part de l’esprit qui ne croit que ce qu’elle peut constater selon une causalité logique vérifiable. Par exemple, la résurrection est impossible car tous les morts que nos observons restent morts de façon permanente. Il y a des questions qui ne peuvent tout simplement pas être vérifiées: Par exemple, pourquoi le Bien est préférable au Mal? À ces questions, c’est la foi qui doit répondre: C’est ainsi que, par la foi, on peut croire sans savoir. Mais pour les questions qui relèvent de la raison, principalement les questions de causalités matérielles, la foi n’a pas sa place.
Selon cette logique, cette ouverture aux croyances surnaturelles, qu’est-ce qui nous empêche de croire au Dieu-papillon?
Ta croyance a de la rationalité dans ses fondements mais elle s’éloigne de la logique rationnelle dans son développement. C’est pourquoi je ne l’accuse pas d’une « absence » de rationalité mais plutôt d’un « écart » à la rationalité.
Il y a maintes explications possibles sans recourir au surnaturel; c’est d’ailleurs la thèse des unitariens, je crois (à ce que j’ai compris, l’unitarisme serait une sorte de déisme chrétien). Tout miracle peut être organisé dans le but de susciter la foi; et ce subterfuge n’est pas méchant si on croit que la foi qu’on suscite est bonne et vraie (c’est probablement le cas des apôtres qui sont morts sans richesse ni puissance pour promouvoir cette foi). Néanmoins, quand je lis des hommes qui disent parler au nom de Dieu et qui meurent pour nous convaincre que c’est vrai, je ne vois pas un acte purement humble et vertueux. La gloire posthume exerce sa séduction elle aussi; surtout dans l’esprit de ceux pour qui la puissance et la richesse sont impossibles durant leur vie.
Le problème avec le pari de Pascal, c’est qu’il ne vaut pas pour le théisme en général mais pour chaque religion théiste particulière. Ainsi, si je décide de devenir théiste par peur de perdre mon salut (la peur étant de toute façon un très mauvais motif pour croire à mes yeux), je pourrais encore me tromper en devenant musulman plutôt que chrétien, ou chrétien plutôt que musulman… Le bénéfice du doute est en effet suffisant si on considère que les différentes religions théistes nous proposent des garanties de salut équivalentes mais incompatibles; il y a donc au moins quelques unes de ces garanties qui ne sont pas valables…
Et tu dis qu’il y aura « peu ou pas » de conséquences pour toi si tu as tort. C’est une valorisation bien faible de la vérité… Si tu as tort, ta conception de la vérité aura été ossifiée durant toute ta vie dans le cadre d’une fausse révélation: Ça me semble assez grave comme conséquence! Ça revient à dire que tu valorises le salut beaucoup plus que la vérité; ce qui correspond à ma suspicion qu’un désir émotif de sécurité est très présent dans le théisme par opposition à la recherche rationnelle de vérité du déisme.
Je serais d’accord avec la première conception de la mort, mais il n’y a aucun besoin de révélation surnaturelle pour ce faire. Il est tout à fait concevable qu’un bouddhiste, à force de travail spirituel, ait cessé de pécher et se soit régénéré spirituellement; la sainteté n’est pas exclusive au christianisme (cette croyance relève de ce que je qualifiais de vanité spirituelle dans un message précédent). Pour ce qui est de la deuxième mort, elle relève d’une croyance surnaturelle à laquelle je n’adhère pas: Même les saints ont fini par mourir! Et nous n’avons aucune raison scientifique de croire que l’humanité fut jadis immortelle. Pour ce qui est de la troisième mort, je ne la comprends pas mais j’imagine qu’elle nécessite elle aussi la croyance au surnaturel.
Je suis d’accord avec ce principe, mais les théistes y font face tout autant que les déistes. Les chrétiens l’écartent en croyant que Jésus leur a fait pardonner leurs péchés en se sacrifiant, mais je reviens ici à l’argument de la facilité. Là où les déistes travaillent très fort tous les jours pour combattre leurs vices et ainsi devenir moins pécheurs pour ensuite avoir la force de combattre leurs vices encore plus efficacement dans un effort perpétuel vers la sainteté, les chrétiens n’ont qu’à se faire baptiser pour devenir totalement purs et ainsi parfaitement lucides spirituellement? Je trouve que ça ressemble aux offres des pourriels qui nous disent que nous avons gagné 10 millions de dollars et que nous n’avons qu’à faire un effort minimal pour l’encaisser… C’est probablement la raison pour laquelle les chrétiens réussirent tant de conversions: « Tous mes péchés seront annulés et je n’ai qu’à croire en Jésus en échange: Quelle aubaine! »
Salut Sylvain, merci pour le temps que tu as pris pour répondre. Je m’en allais répondre à chacun de tes arguments et préciser certaines de mes affirmations précédentes, afin de ne pas donner l’impression que je n’avais plus rien à dire… Mais j’ai réalisé que nous pourrions ainsi jouer au ping-pong ad vitam aeternam.
Nous avons des présupposés différents qui font que nous construisons notre interprétation de la réalité en soumettant tout raisonnement aux lois de notre « Worldview ». Certaines de mes affirmations apparaîtront toujours incohérentes pour quelqu’un qui regarde le monde avec tes lunettes et vis versa.
La question n’est donc pas de savoir lequel de nous deux est le plus logique ou défend le mieux sa position; car une position peut être parfaitement logique en elle même et se défendre aisément lorsqu’on l’assume pleinement. La question est plutôt: lequel de nous deux a les bons présupposés (en supposant qu’un de nous deux à raison bien sûr). Si tes présupposés sont avérés mon édifice s’écroule; de même si mes présupposés correspondent au vrai sens de la réalité, ton édifice s’écroule.
Nous pouvons être tous les deux cohérents et logiques, mais nous ne pouvons pas tous les deux avoir raison; car la vérité n’est pas plurielle, mais exclusivement une. Notre quête est donc la vérité et non le système le plus logique ou le plus confortable.
Je vais donc te poser une question : Qui était Jésus-Christ ? Le théisme chrétien repose entièrement sur cet homme. Je comprends et j’assume tout à fait que ce qui détermine ma façon de penser en limitant et en dirigeant ma pensée et mon épistémologie est ma croyance en Christ. Il est « l’alpha et l’omega » de mon raisonnement car en lui Dieu est révélé et tout l’édifice s’élève bien coordonné, selon l’enseignement biblique. Mon présupposé le plus fondamental consiste à recevoir Christ tel qu’il est présenté dans les Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Je crois, comme l’enseigne l’Écriture, que Jésus-Christ est la pierre de touche. Autrement dit, la façon dont une personne se positionne face à lui détermine si cette personne est chrétienne ou pas. Tu ne peux partager mon point de vue parce que tu as forcément une autre conception du Christ que la mienne. Alors qui était Jésus-Christ selon toi ? (bien sûr en te posant cette question je te force à te position par rapport à un théisme en particulier et non par rapport au théisme en général).
Quelques paroles du Christ à méditer avant de répondre:
(à noter que j’ai cité seulement ses paroles sans mentionner les miracles qui lui sont attribués)
Qui est cet homme qui a bouleversé le monde ? Avant de me donner ton verdict, je te suggère cette citation de C.S. Lewis :