Question de participer à l'éducation économique de mes lecteurs, voici le deuxième d'une série de textes écrit par Frédéric Bastiat (1801-1850) est un économiste et homme politique libéral français.
Voici pourquoi il est inutile de verser des subventions au secteur manufacturier…
Le Licenciement
Il en est d'un peuple comme d'un homme. Quand il veut se donner une satisfaction, c'est à lui de voir si elle vaut ce qu'elle coûte. Pour une nation, la Sécurité est le plus grand des biens. Si, pour l'acquérir, il faut mettre sur pied cent mille hommes et dépenser cent millions, je n'ai rien à dire. C'est une jouissance achetée au prix d'un sacrifice.
Qu'on ne se méprenne donc pas sur la portée de ma thèse.
Un représentant propose de licencier cent mille hommes pour soulager les contribuables de cent millions.
Si on se borne à lui répondre: « Ces cent mille hommes et cent millions sont indispensables à la sécurité nationale: c'est un sacrifice; mais, sans ce sacrifice, la France serait déchirée par les factions ou envahie par l'étranger. » — Je n'ai rien à opposer ici à cet argument, qui peut être vrai ou faux en fait, mais qui ne renferme pas théoriquement d'hérésie économique. L'hérésie commence quand on veut représenter le sacrifice lui-même comme un avantage, parce qu'il profite à quelqu'un.
Or, je suis bien trompé, ou l'auteur de la proposition ne sera pas plus tôt descendu de la tribune qu'un orateur s'y précipitera pour dire:
« Licencier cent mille hommes! y pensez-vous? Que vont-ils devenir? de quoi vivront-ils? sera-ce de travail? mais ne savez-vous pas que le travail manque partout? que toutes les carrières sont encombrées? Voulez-vous les jeter sur la place pour y augmenter la concurrence et peser sur le taux des salaires? Au moment où il est si difficile de gagner sa pauvre vie, n'est-il pas heureux que l'État donne du pain à cent mille individus? Considérez, de plus, que l'armée consomme du vin, des vêtements, des armes, qu'elle répand ainsi l'activité dans les fabriques, dans les villes de garnison, et qu'elle est, en définitive, la Providence de ses innombrables fournisseurs. Ne frémissez-vous pas à l'idée d'anéantir cet immense mouvement industriel? »
Ce discours, on le voit, conclut au maintien des cent mille soldats, abstraction faite des nécessités du service, et par des considérations économiques. Ce sont ces considérations seules que j'ai à réfuter.
Cent mille hommes, coûtant aux contribuables cent millions, vivent et font vivre leurs fournisseurs autant que cent millions peuvent s'étendre: c'est ce qu'on voit.
Mais cent millions, sortis de la poche des contribuables, cessent de faire vivre ces contribuables et leurs fournisseurs, autant que cent millions peuvent s'étendre: c'est ce qu'on ne voit pas. Calculez, chiffrez, et dites-moi où est le profit pour la masse?
Quant à moi, je vous dirai où est la perte, et, pour simplifier, au lieu de parler de cent mille hommes et de cent millions, raisonnons sur un homme et mille francs.
Nous voici dans le village de A. Les recruteurs font la tournée et y enlèvent un homme. Les percepteurs font leur tournée aussi et y enlèvent mille francs. L'homme et la somme sont transportés à Metz, l'une destinée à faire vivre l'autre, pendant un an, sans rien faire. Si vous ne regardez que Metz, oh! vous avez cent fois raison, la mesure est très avantageuse; mais si vos yeux se portent sur le village de A, vous jugerez autrement, car, à moins d'être aveugle, vous verrez que ce village a perdu un travailleur et les mille francs qui rémunéraient son travail, et l'activité que, par la dépense de ces mille francs, il répandait autour de lui.
Au premier coup d'œil, il semble qu'il y ait compensation. Le phénomène qui se passait au village se passe à Metz, et voilà tout.
Mais voici où est la perte. Au village, un homme bêchait et labourait: c'était un travailleur; à Metz, il fait des tête droite et des tête gauche: c'est un soldat. L'argent et la circulation sont les mêmes dans les deux cas; mais, dans l'un, il y avait trois cents journées de travail productif; dans l'autre, il a trois cents journées de travail improductif, toujours dans la supposition qu'une partie de l'armée n'est pas indispensable à la sécurité publique.
Maintenant, vienne le licenciement. Vous me signalez un surcroît de cent mille travailleurs, la concurrence stimulée et la pression qu'elle exerce sur le taux des salaires. C'est ce vous voyez.
Mais voici ce que vous ne voyez pas. Vous ne voyez pas que renvoyer cent mille soldats, ce n'est pas anéantir cent millions, c'est les remettre aux contribuables. Vous ne voyez pas que jeter ainsi cent mille travailleurs sur le marché, c'est y jeter, du même coup, les cent millions destinés à payer leur travail; que, par conséquent, la même mesure qui augmente l'offre des bras en augmente aussi la demande; d'où il suit que votre baisse des salaires est illusoire. Vous ne voyez pas qu'avant, comme après le licenciement, il y a dans le pays cent millions correspondant à cent mille hommes; que toute la différence consiste en ceci: avant, le pays livre les cent millions aux cent mille hommes pour ne rien faire; après, il les leur livre pour travailler. Vous ne voyez pas, enfin, que lorsqu'un contribuable donne son argent, soit à un soldat en échange de rien, soit à un travailleur en échange de quelque chose, toutes les conséquences ultérieures de la circulation de cet argent sont les mêmes dans les deux cas; seulement, dans le second cas, le contribuable reçoit quelque chose, dans le premier, il ne reçoit rien. — Résultat: une perte sèche pour la nation.
Le sophisme que je combats ici ne résiste pas à l'épreuve de la progression, qui est la pierre de touche des principes. Si, tout compensé, tous intérêts examinés, il y a profit national à augmenter l'armée, pourquoi ne pas enrôler sous les drapeaux toute la population virile du pays?
Frédéric Bastiat (1801-1850) est un économiste et homme politique libéral français. Écrivain au style direct, ses écrits manient les comparaisons pédagogiques et les fables satiriques, et visent à débusquer les principaux mythes ou sophismes entretenus autour de l'État, du socialisme, de la richesse, de la solidarité, de l'impôt, de l'interventionnisme, etc. Frédéric Bastiat était régulièrement cité par Ronald Reagan et Margaret Thatcher comme l'un des économistes les ayant le plus influencés.
Merci David!
Vivement le prochain texte de Bastiat sur ton blog!
drôle d’exemple pour un droitiste…
c’est surprenant qu’à notre époque de pénurie de main-d’oeuvre il y ait encore du bs et du chômage…
Il vas toujours y avoir un certain pourcentage de chomage frictionnel et il est nécessaire afin d’avoir un véritable offre et demande sur le marché du travail.
Cependant notre BS ne favorise pas la remise au travail et nous seront toujours plus haut dans ces taux à cause des législations comme le salaire minimum.
A condition que ce soit vrai. Parce qu’a la rigueur licencier 100 000 employes d’etat si je n’en vois pas les benifices dans le total de mes cotisation d’impots… Je dis merde laissons les la et quand un gouvernement sera assez serieux et aura les couilles qui iront avec ses ambitions, je dirais ok. Actuellement, au canada j’en vois aucun. Aussitot qu’ils auront sauver 1 millions de depenses inutiles, ils vont creer un nouveau programme!
le taux de chômage c’est l’arnaque du siècle ; tout ce qui est important de connaître c’est le taux d’emploi (proportion de personnes disposant d’un emploi parmi celles en âge de travailler )
Non, le chômage permet de savoir qui ne travaille pas MAIS qui voudrait travailler.
Le taux d’emploi sert à rien à lui seul pour évaluer la vigueur d’un marché de l’emploi.
On ne parle pas juste d’employés de l’état…
C’est vrai si tu votes pour le PLC.
Cowboy je suis d’acccord que si le système de BS/chômage ne favorise pas le retour au travail alors on n’économise rien.
Aussi, je comprends parfaitement la logique qu’un salaire minimum trop haut compromet éventuellement la création d’emplois non-spécialisés en plus de bouleverser l’idée que chacun se fait de sa paye (genre t’es content de faire 11.50, mais si le salaire minimum monte à 10 au lieu de 8 ben ça envoie le message que ta job paye de moins en moins bien).
Mais s’il est trop bas ou pas là, on enlève de l’attractivité au marché de l’emploi.
Selon les règles du chômage allemand, un prestataire peut aller chercher jusqu’à 400€/mois (Mini-Job-Basis) sans aucune pénalité à son chèque. En contrepartie, l’employeur de cette personne est exempté de toutes les contributions fiscales (il n’y a pas d’impôts, l’employeur n’a pas à verser sa part de la prime d’assurance-maladie, pas de vacances par exemple).
Dans cet équation, il y a un perdant: l’Arbeitsagentur. Donc l’État, le contribuable.
L’intention est bonne, mais les employeurs ne sont pas fous et ils profitent allègrement de cet arrangement pour créer des postes sous-payés à très peu de coût pour eux.
Personne n’irait travailler pour si peu si le chèque de chômage ne viendrait pas compléter les revenus de l’employé. Ou si, par exemple, le conjoint n’aurait pas de « vrai salaire ». Mais en fait, ce que le système fait, c’est carrément subventionner la création d’emploi non-qualifiés et comme ce n’est pas les chômeurs qui manquent pour les occuper, on n’est pas plus avancés. La pénurie de main d’oeuvre, qui est la cause des hausses de salaire, n’est pas là pour jouer son rôle de self-regulation.
En même temps, le truc bénéficie aux chômeurs car ils peuvent légalement arrondir leur fin de mois et avoir une expérience de retour sur le marché du travail.
Je comprends très bien que sans ce système là, il n’y aurait pas grand monde pour laver les toilettes dans les centres d’achats, livrer de la pizza ou même conduire des autobus de contracteurs privés.
Mais l’objectif de sortir un chômeur du chômage est que l’État « fasse de l’argent » avec lui quand il va payer des impôts (par opposition à couter lorsqu’il a son chèque). Avec ce système, ce n’est pas encore atteint.
Dommage que les autorités américaines, ainsi que la plupart des néo-conservateurs, ne comprennent pas cette réalité fondamentale. Faut dire que les gau-gauchistes étatistes ne sont pas beaucoup mieux, mais au moins ils gaspillent moins d’argent en frivolités.
Mais évidemment notre boussole démagnétisée de la blogosphère ne fait pas le lien avec l’impérialisme américain, leurs guerres d’agression et la guerre à la drogue, ce que des libertariens comme Bastiat ont ou ont eu la décence et l’honnêteté de faire!
Mais ne vous en faites pas, Nathalie Elgrably commet le même genre de malhonnêteté intellectuelle. Pire encore, elle cite Bastiat a tour de bras mais elle ne dévoile pas le côté obsur, ce que notre paratonnerre giratoire a au moins l’honnêteté de faire.
Quel impérialisme ?
Ça ressemble au discours de Harper de cet après midi…