La production du café au Rwanda connait un boom en ce moment. Le commerce équitable est-il à l'origine de ce progrès économique ? Absolument pas, même que le café équitable est devenu un fardeau pour les producteurs de café rwandais. Voilà qui donne du poids au billet que j'ai écrit la semaine dernière sur l'inutilité du commerce équitable:
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Discussion entre Russ Roberts (économiste, George Mason University) et Karol Boudreaux (économiste, George Mason University)
Source:
Karol Boudreaux on Property Rights and Incentives in Africa
Très intéressant comme entrevue. Vraiment. J’espère un jour aller manger dans le restaurant de Sheila, à Cape Town.
Pour le café eh bien, je vais en chercher qui vienne d’une coop rwandaise. Karol Boudreaux m’a donné le goût d’encourager cette entreprise. Je ne sais bien pas où je vais pouvoir en trouver : c’est assez pointu comme demande. J’imagine qu’il doit bien s’en vendre quelque part à Montréal.
Désolé, $25 du kilo est un peur cher pour moi, je continue à boire mon Maxwell House ou Folgers…
J’ai tenté de trouver du café qui proviendrait de coopératives (rwandaises ou autres), tout en n’étant pas certifié équitable. Recherches vaines : rien de concluant à l’horizon. J’ai trouvé du café «socialement responsable», du café «bioéquitable», du café «équitable», du café moulu, pas moulu, parfumé, corsé, noir, cher, pas cher. Mais pas de café provenant d’une coopérative certifiée «non-équitable». Remarquez, je ne connais rien à l’import-export alors je n’ai peut-être pas posé LA question qui aurait fait en sorte que j’eusse découvert LA coopérative non-certifiée équitable exportant son café chez nous, tout en respectant des règles éthiques de base.
Alors pour le moment, je reviens au point zéro. Est-ce que je continue d’acheter du café équitable ou est-ce que je me tourne vers les grandes marques non-équitables ?
Pour m’aider à prendre ma décision, je fais l’exercice de m’appuyer en partie sur la conclusion de «La source vive» d’Ayn Rand, une auteure qui sert souvent de référence sur ce blogue et que je termine tout juste de lire.
Pour vous mettre un peu en contexte ou alors vous rafraîchir la mémoire, «La source vive» (The Fountainhead) se conclut avec le procès du protagoniste et architecte –un créateur- : Howard Roark. Roark est jugé car il a commis un acte répréhensible aux yeux de la loi mais non-répréhensible à ses yeux à lui (je ne dis pas de quel acte il s’agit pour ne pas donner le punch à ceux qui ne l’auraient pas lu). En gros, pour remporter sa cause, Roark tente de démontrer que l’acte de création est supérieur à l’acte de charité : «la création vient avant le don, sans cela [la création] il n’y aurait rien à donner» (1981, édition Olivier Orban, tome 2, p. 408).
Dans son plaidoyer, Roark fait la preuve que le créateur (penseur, artiste, savant, inventeur) est le moteur de l’avancement de l’humanité. C’est un individualiste, un indépendant, un égotiste. Il n’a pas besoin des autres pour justifier son existence ; il existe par lui-même.
À l’inverse, se trouve l’individu non-créateur, qui n’existe qu’en fonction de l’autre (ex. : fonctionnaire, travailleur social, politicien avide de pouvoir). Cet individu est un «parasite», un dépendant, un collectiviste, un altruiste -dans son idéal théorique mais dans les faits il peut verser dans la tyrannie-.
Je caricature, mais à peine. L’essence du plaidoyer de Howard Roark est, somme toute, assez claire : l’humanité se divise en deux. Les créateurs d’un côté et les parasites de l’autre.
Maintenant, je reviens au commerce équitable. En me basant sur la logique de Roark, je peux déduire qu’acheter équitable est en soi un acte parasitaire. Je peux déduire que c’est un acte de charité, nuisible à la création et au libre marché. Je peux aussi me dire que les bénéficiaires du commerce équitable sont des parasites. Qu’ils dépendent du commerce équitable pour améliorer leurs conditions de vie et qu’à la longue, ils pourront trouver leur confort et bien se camper dans leur rôle de parasites dépendant de ma charité.
Effectivement. Je crois possible que certains travailleurs bénéficiant du commerce équitable puissent éventuellement s’installer dans un confort relatif et ne plus voir le bénéfice de créer quoi que ce soit de nouveau pour autrement améliorer leurs conditions. On peut supposer que certains travailleurs prendront pour acquis qu’il y aura toujours des acheteurs de produits équitables. Ils pourront ainsi s’illusionner et se croire à l’abri, penser qu’ils n’auront jamais à subir les affres de la compétitivité des marchés. Et cela pourra tuer tout éventuel processus de création dans son germe.
Mais pourquoi prendrais-je la décision de ne pas acheter équitable en fonction de cette supposition ?
Pourquoi, à l’inverse, ne prendrais-je pas la décision d’acheter équitable, en faisant le pari que certains travailleurs trouveront, dans le commerce équitable, une sécurité non pas permanente mais temporaire et éventuellement porteuse d’un potentiel créateur ?
C’est là à mon avis, toujours en se basant sur le raisonnement de Roark, que pourrait se trouver une justification à acheter équitable. Acheter équitable équivaudrait à avoir confiance qu’un potentiel de création pourrait se trouver exacerbé et utilisé notamment à cause des avantages obtenus via le label équitable (ex. : pouvoir envoyer les enfants à l’école plutôt que de les faire travailler).
Des avantages que les travailleurs issus des filières de productions non-équitables n’ont pas nécessairement.
Tout cela pour dire que, en attendant de pouvoir acheter la création d’un produit issu d’une troisième voie, la coopérative dont parle Karol Boudreaux (ou autre chose d’équivalent ou encore mieux, bien entendu), je ne suis toujours pas convaincue qu’il soit plus nuisible d’acheter du café provenant du commerce équitable que d’acheter du café provenant du commerce non-équitable.
C’est ironique de constater que le café le plus cher, et le meilleur au goût à ce qu’on dit, car je ne l’ai jamais essayé, est récolté fèves par fèves dans les excréments d’un petit animal sauvage:
http://en.wikipedia.org/wiki/Kopi_Luwak
« Mère nature » nous envoie parfois de drôle de clin-d’oeil…c’est ben pour dire ❗