Il est erroné d’assimiler la nation à l’État qui est au contraire une réalité précise, institutionnalisée et même dans une large mesure extérieure à la nation. N’est-il d’ailleurs pas frappant de constater que c’est précisément à l’ère de l’étatisme triomphant – c’est-à-dire le XXe siècle – que l’on a vu ressurgir ce qu’on appelle les « nationalismes ».
Le concept de nation et son étatisation*
par Pascal SalinTout être humain appartient à des sociétés plus ou moins grandes et il a un sentiment d’appartenance à ces groupes. La nation est l’un d’entre eux. Elle représente un ensemble de liens sociaux nés de l’histoire et qui s’expriment dans une culture, une langue le plus souvent, parfois une religion commune.
La nation relève donc de l’ordre spontané, elle est multiforme, évolutive et difficile à cerner. Elle est surtout le résultat de perceptions multiples, elles-mêmes différentes selon ses membres. C’est pourquoi il est erroné d’assimiler la nation à l’État qui est au contraire une réalité précise, institutionnalisée et même dans une large mesure extérieure à la nation. N’est-il d’ailleurs pas frappant de constater que c’est précisément à l’ère de l’étatisme triomphant – c’est-à-dire le XXe siècle – que l’on a vu ressurgir ce qu’on appelle les « nationalismes ». C’est bien le signe que les États ont imposé la création d’ensembles sociaux qui n’étaient pas spontanément perçus comme des « nations », mais auxquels ils se sont permis de donner ce nom.
La nation, nous l’avons dit, résulte d’un sentiment d’appartenance à une communauté et c’est pourquoi l’État-nation est une aberration: on ne peut pas étatiser des sentiments. Il se passe alors ce qui se passe chaque fois qu’il y a étatisation: l’État crée un monopole à son profit et le défend. Il lutte donc contre les particularismes régionaux, c’est-à-dire que l’État-nation détruit les nations spontanées. En témoignent, par exemple, les efforts faits en France, au nom de l’égalité républicaine, pour détruire les langues régionales au XIXe siècle.
L’État-nation est alors personnifié, ce qui facilite l’assimilation entre la nation et l’État. On dira par exemple que « la France décide » ou que « la France exporte ». Dans le premier cas, on laisse implicitement supposer que l’État français décide légitimement au nom de tous les Français et qu’il existe une sorte d’esprit collectif capable de penser et d’agir. Dans le deuxième cas, on laisse implicitement supposer que l’exportation serait un acte collectif, qu’elle exprimerait même un intérêt collectif et donc que l’État – expression de cet intérêt commun – serait habilité à la déterminer. Ce serait une saine habitude de pensée que de s’astreindre définitivement à éviter d’utiliser ces abstractions flottantes – la France, l’Allemagne, le Japon, l’Europe – et donc à indiquer explicitement quels sont les acteurs qui pensent et agissent. Il convient donc de dire non pas que « la France décide », mais que « le gouvernement français décide », non pas que « la France exporte », mais que des producteurs français exportent. Il apparaîtrait alors plus clairement, dans le langage même, qu’il existe non pas un intérêt collectif mythique, mais des intérêts bien particuliers, par exemple les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir ou les intérêts de ceux des producteurs qui exportent.
Mais l’usage de ces abstractions flottantes a un rôle bien précis. Il finit par induire l’idée non seulement qu’il y a assimilation entre l’État et la nation, mais même que la nation « appartient » à l’État, qui possède donc tout naturellement le droit de gérer le territoire national. À partir de là naît alors le mythe des biens publics, que nous dénonçons par ailleurs. La légitimation intellectuelle des biens publics consiste évidemment à dire qu’il existe par nature des biens et services qui peuvent être produits de manière « optimale » par l’État, alors qu’ils ne pourraient pas l’être par le secteur privé. Mais la réalité est toute différente: une fois que le territoire national a été étatisé, il apparaît comme naturel que le propriétaire de ce territoire ait la charge de son aménagement. Entre autres choses, c’est parce que le territoire national appartient non pas à la nation mais à l’État que les principes d’exclusion sont définis par l’État. On n’hésitera alors pas à penser que seul l’État peut faire procéder à des « expropriations pour cause d’utilité publique » afin de faire construire routes et aéroports, ou à considérer que la définition d’une politique d’immigration – c’est-à-dire des droits d’exclure les étrangers – constitue un service public que seul l’État est capable de produire de manière efficace et qu’il est même seul à pouvoir exercer légitimement en tant que propriétaire. […]
Par contraste, lorsque le territoire est étatisé, il est intéressant de venir bénéficier de tout ce qui est fourni à coût faible ou nul et de contribuer le moins possible au financement des biens publics en question. L'étatisation du territoire a donc une double conséquence: non seulement elle crée une incitation à immigrer qui, sinon, n'existerait pas, mais cette incitation joue uniquement pour les moins productifs, ceux qui reçoivent plus qu'ils ne fournissent, alors qu'elle décourage les immigrants productifs, ceux qui paieraient plus d'impôts qu'ils ne recevraient en biens publics. Comme toute politique publique elle crée donc un effet-boomerang. En effet, elle fait naître des sentiments de frustration de la part de ceux qui supportent les transferts au profit des immigrés et elle est donc à l'origine de réactions de rejet: le racisme vient de ce que l'État impose aux citoyens non pas les étrangers qu'ils voudraient, mais ceux qui obtiennent arbitrairement le droit de vivre à leurs dépens. À titre d'exemple, un article du Wall Street Journal de 1993 s'interrogeait sur le fait que l'immigration en provenance du Mexique était trois fois plus importante en Californie qu'au Texas en dépit d'une frontière commune avec le Mexique beaucoup moins longue et plus difficile à franchir illégalement. La raison de cette différence tient en partie au fait que le système de protection sociale est beaucoup plus développé en Californie qu'au Texas. Comme l'a déclaré un fonctionnaire du bureau de l'immigration et des affaires des réfugiés du Texas: « Il n'est pas possible ici de vivre de l'assistance. Les gens viennent ici pour travailler et non pour bénéficier de la protection sociale. Et ceci affecte l'attitude de nos résidents à l'égard des immigrants. Ils sont généralement considérés comme des travailleurs et non comme des bénéficiaires d'assistance. »
* Chapitre 11 du livre Libéralisme de Pascal Salin (Odile Jacob, Paris, 2000). Pour lire le texte complet: ici
– Le Québecois Libre est contre les filet sociaux.
– S’il y a moins de filet sociaux, il y a moins d’immigrants.
– Donc, je suis pour le Québécois Libre.
Excellent post.
@Martin St-Pierre….
Je vais envoyer ton post en au gouvernement de la Floride afin de les aider a limité l’entré de cubain. Le truc, on rase les orangerais. Le raisonnement:
-Les cubain aiment le jus d’orange.
-La floride a beaucoup d’orange
-Donc si moins d’oranges en floride
Moins de cubain aussi.
C’est stupide comme raisonnement hein.
C’est du niveau du tien.
La « race » blanche catholique, aryienne (appele-la comme tu veux) c’est passé out comme concept.
Ce qu’il faut faire c’est mettre des balise sur ce qui est acceptable dans l’espace publique.
Pour en revenir au sujet du billet, il est évident que le concept d’état et de nation ne peuvent être « mixés » tant au niveau sociologique, philosophique et pratique. Ce concept n’est pas souhaitable par exemple en Afrique ou les frontières tiennent moins des nations que des sépartion de l’ancienne Afrique coloiniale.
Par contre, avec les changements en Europe depuis 2 siècles on s’apercois aussi qu’ils ne peuvent pas être éloignés et isolé.
Je pense que dans un contexte de mondialisation, afin de préservé les identités régionales, les spécificités culturelles il reste important que les nations puissent aussi s’appuyé sur un état.
Ceci dit, il est bien sur que lorsque l’on pousse le raissonnement jusqu’au bout, on arrive a la conclusion (comme l’article de décrit) que l’on ne peut dans un état-nation inclure toute les spécificité de chacun.
Donc, je crois que dans un contexte de mondialisation, ou les frontières économiques n’ont plus de limite, il est sans doute souhaitable de justement laisser libre cours à la création de État-nation (mais non pas ou l’état définis la nation comme le laisse entre le texte, mais l’inverse, ou la nation défini l’état) lorsque ladite nation est assez nombreuse pour revendiquer ce statut.
Tu aurais du lire le billet avant de dire une chose pareille…
Toi aussi tu aurais du lire le billet avant de commenter. Salin est en faveur de l'abolition de TOUTES les contraintes a l'immigrations.
Je voulais juste faire comprendre au raciste qu’est St-Pierre ce qu’est un sophisme.
Si on avait pas de Bien-être social à vie et qu’on pouvait déporter rapidement et efficacement tout immigrant qui se pogne un dossier criminel on pourrait ouvrir tout grand les vannes de l’immigration.
Présentement il y a un paquet d’immigrants qui pourrait apporter une grande aide à nos société mais ils se font barrer le chemin par les 3 millions d’étapes bureaucratique qui est de toute façon une passoire.
C’est bien beau d’ouvrir les portes, mais qu’en est-il des Canadiens qui veulent partir?
Je trouve très injuste de voir des murs partout alors que mon pays est le reçoit tout le monde à bras ouverts.
Surtout que, dans le même sens que Cowboy dit, des milliers d’immigrants pauvres, sans éducation ni travail réussisent à vivre légalement en France et en Allemagne alors que moi, à mon compte dans le domaine du tourisme, on me dit de retourner d’où je viens!
Extrait tiré du livre « Murder in Amsterdam« :
« The generosity of the state towards refugees and other newcomers can lead to a peculiar resentment. The Dutch feel that since they ‘have been so kind’ to the foreigners, the foreigners should behave as the Dutch do. Then there is the other kind of resentment, of the recipients of Dutch government largesse, who feel that it is never enough…
Europeans are proud of their welfare states, but they were not designed to absorb large numbers of immigrants. Immigrants appear to fare better in the harsher systems of the United States, where there is less temptation to milk the state. The necessity to fend for oneself encourages a kind of tough integration. »
L’intégration ne peut se faire via l’état providence. Le secret c’est une économie libérale qui récompense le travail et l’effort. 71% des musulmans vivant aux États-Unis estiment que le travail et l’effort sont des garantis de succès.
On en revient à une application micro de la “Golden Arches Theory” de Thomas Friedman. S’il est difficile pour deux pays ayant des liens économiques étroits de se faire la guerre, il est tout aussi difficile pour un immigrant de se braquer contre une société qui lui a donné un bon niveau de vie et des possibilités d’avancements.
Autre passage du texte très intéressant (pour poursuivre le dernier commentaire de David) : Nous soulignons par ailleurs la différence qu’il convient de faire entre l’intégration et l’unification (ou l’harmonisation). La tendance naturelle des gouvernants consiste à imposer des comportements, des attitudes, des règles identiques à tous les citoyens sous prétexte d’intégration sociale. Or celle-ci résulte de l’adaptation volontaire et continuellement changeante de tous les individus à leur société. La différenciation des individus n’empêche pas leur intégration à une société. Ils sont d’ailleurs les premiers bénéficiaires de l’intégration si celle-ci est bénéfique. Il faut donc leur faire confiance pour ressentir ce besoin d’intégration et pour prendre les voies qui leur paraissent les meilleures à cet effet. Tous ne la réaliseront pas de la même manière et au même rythme. Certains essaieront de se protéger dans le cocon de leur culture d’origine, d’autres essaieront plus rapidement d’adopter la langue, les coutumes, les comportements de leur communauté d’adoption. Ce désir d’intégration sera d’ailleurs d’autant plus intense que l’immigration ne résultera pas du simple désir de bénéficier du système de transferts du pays d’accueil, mais d’une démarche où celui qui reçoit doit aussi donner, c’est-à-dire d’une démarche d’ordre contractuel.
Il me semble que le Québec n’a pas de leçon à donner en ce qui a trait à l’intégration…
Ce que David cite est tout à fait vrai. Ce qui est ironique par contre, quant à moi, c’est que ces mêmes welfare states qui nous rejettent ont en fait besoin de nos impôts pour se financer.
43% des Allemands croient que les étrangers viennent ici pour « voler » les caisses de sécurité sociale. Si ça s’avérait vrai, serait-ce que l’État est trop généreux?
En Australie, on doit signer un contrat où on s’engage à ne pas demander d’aide sociale dans les premières 5 années de vie là-bas.
Ici, je n’ai droit à RIEN parce que je ne suis pas citoyen de UE. Si je me trouve sans travail, mon permis de séjour est immédiatement révoqué (mais par contre, le criminel non-citoyen peut rester…). Si j’avais des enfants et que ma blonde n’était pas non plus Européenne, oublie les allocations familiales, les congés parentaux, l’aide financière aux études… Je n’ai même pas le droit à une hypothèque dans une banque, si jamais je voulais devenir propriétaire!
Est-ce que ça me fait détester l’Allemagne? Non. Ce qui fait chier par contre, c’est de voir que malgré ces barrières je suis prêt à rester et on me dit de rentrer dans mon « Traumland » (pays de rêve, surnom du Canada) tandis que bien des Turcs réussissent à faire « la passe » et rester en profitant du système et en étant bien moins intégrés que moi. Même chose pour les Européens qui sont ici et n’apprennent même pas l’allemand.
Je disais récemment que, au minimum, il ne devrait pas y avoir de discrimination à l’immigration lorsque les gens viennent de pays comme les nôtres parce que les chances que cet immigrant travaille et s’intègre rapidement sont surement plus fortes que quelqu’un qui se faire dire que sur le BS, il fera plus de cash qu’en Somalie comme médecin!
En passant, le seul parti politique allemand pro-immigration est le FDP – les libéraux. « Privat kommt vor Staat » est leur slogan.